« Aucun foyer ne sera sans eau potable dans deux jours », avait déclaré Abdelmadjid Tebboune lors de l’inauguration de l’usine de dessalement de Cap Blanc à Oran en février 2025. Cette promesse présidentielle révèle la volonté de l’État d’assurer un approvisionnement rapide et fiable en eau potable. Mais derrière cet engagement, le constat est tout autre : les wilayas d’Alger et de Tipasa, qui regroupent près de 5 millions d’habitants selon les statistiques de 2019, consomment en moyenne un million de mètres cubes d’eau par jour, selon la SEAAL.
Cette quantité colossale interroge sur la rationalité de cette consommation dans un pays où les ressources renouvelables chutent à moins de 500 m³ par habitant et par an, un seuil critique signalé par la Banque mondiale.
Des ambitions affichées à l’horizon 2030
Face à cette pression croissante sur les ressources hydriques, les pouvoirs publics multiplient les projets structurants. Le bilan de la SEAAL pour 2024 met en évidence un effort considérable : 387 millions de m³ mobilisés pour alimenter Alger et Tipasa, dont plus de la moitié issue des stations de dessalement. En parallèle, le pays dispose déjà de 85 barrages exploités, 23 stations de dessalement et 211 stations d’épuration capables de traiter près d’un milliard de m³ d’eaux usées par an. Selon l’ancien ministre des Ressources en eau, Lakhdar Rakhroukh, l’objectif est clair : « atteindre, à l’horizon 2030, une capacité nationale de stockage des barrages de 12 milliards de m³ ».
Ces investissements massifs traduisent une stratégie tournée vers la sécurité hydrique durable. Le gouvernement mise sur le dessalement de l’eau de mer et sur l’extension des infrastructures de stockage pour réduire la dépendance aux eaux superficielles et souterraines fragilisées par le changement climatique. Toutefois, la question du gaspillage demeure au cœur des débats.
Gaspillage et mauvaise gestion
Le vrai problème de l’eau en Algérie ne réside pas seulement dans la rareté, mais bien dans sa gestion. Des chercheurs algériens comme Mebarek Guergueb et Abderrazak Ferhat (Université d’El Oued, 2021) rappellent que la Gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) reste la voie la plus prometteuse pour concilier efficacité, équité et durabilité.
Les chercheurs insistent : le gaspillage d’eau, dans un pays classé en zone de pénurie hydrique extrême, n’est plus tolérable. Ils plaident pour une rationalisation de la consommation, à travers des campagnes de sensibilisation, mais aussi par une révision des habitudes domestiques et industrielles. « L’eau en Algérie n’est pas rare, elle est mal gérée », affirment-ils. Pourtant, la réalité est plus préoccupante : près de 50 % des volumes distribués se perdent à cause de fuites, de branchements illicites et d’un réseau vétuste.
La SEAAL a annoncé avoir économisé 8 millions de m³ d’eau potable en 2024 grâce à 24 000 interventions pour réparer les fuites sur le réseau d’Alger et Tipasa. Ces résultats restent marginaux face à l’ampleur des pertes.
Un accès encore inégal et des robinets à sec
Malgré les investissements, les disparités territoriales persistent. Dans certaines communes, les habitants voient leurs robinets rester à sec plusieurs jours d’affilée. Cette réalité contraste fortement avec les chiffres officiels de consommation, laissant apparaître un décalage inquiétant entre disponibilité et distribution.
La SEAAL effectue plus de 120 000 analyses chaque année, 12 000 tests physicochimiques et bactériologiques et près de 300 000 contrôles de chlore. La sécurité sanitaire ne compense pas les frustrations sociales liées aux coupures répétées.
Pour beaucoup de citoyens, la crise de l’eau est vécue comme une injustice : certains quartiers bénéficient d’un approvisionnement continu, tandis que d’autres restent tributaires de citernes ou de puits informels. Ces déséquilibres alimentent la méfiance et fragilisent la confiance entre usagers et autorités.