Le Palais des expositions des Pins Maritimes à Alger s’apprête à accueillir, du 29 octobre au 8 novembre 2025, la 28e édition du Salon International du Livre d’Alger (SILA). Avec un slogan éclatant, « Le livre, un carrefour de cultures », cet événement culturel majeur promet une richesse record et une diversité d’expositions sans précédent.
Pourtant, à l’ombre de cette célébration ambitieuse, la question brûlante qui agite les allées de la Safex est celle de la présence ou de l’absence des éditeurs français. L’an passé, une fracture symbolique s’est installée avec l’exclusion brutale des éditions Gallimard, suite à la publication du roman « Houris » de Kamel Daoud, jugé intolérable par les autorités algériennes.
SILA 2025 : un rendez-vous culturel d’exception
Mohamed Iguerb, commissaire de la foire, a dévoilé les chiffres impressionnants de cette nouvelle édition: 1 255 exposants en provenance de 49 pays, répartis sur 23 000 mètres carrés d’espace d’exposition, avec une fréquentation attendue autour de cinq millions de visiteurs. La Mauritanie, invitée d’honneur, illumine le programme avec ses richesses culturelles, tandis qu’un forum international célébrera la contribution de l’Algérie à la civilisation humaine. Les 250 écrivains annoncés, algériens et internationaux, ainsi que les espaces dédiés aux enfants, s’inscrivent dans cette volonté annoncée de faire du livre un pont entre cultures et un levier de diplomatie.
La crise Franco-Algérienne à la croisée des chemins culturels
Mais ce tableau idyllique est troublé par un blanc gênant. La présence française, pilier historique de l’édition algérienne, vacille dangereusement dans ce carrefour des cultures. La tension bilatérale entre Alger et Paris a franchi un nouveau seuil avec l’emprisonnement de Boualem Sansal, écrivain franco-algérien dont les prises de position ont déplu aux autorités. En 2024, l’exclusion de Gallimard avait déjà marqué un point de rupture.
Les médias français, notamment Le Point, rapportent qu’une grande partie des éditeurs et auteurs français envisagent désormais de boycotter le SILA 2025 en signe de solidarité. Ce retrait n’est pas simplement politique : il symbolise un combat pour la liberté d’expression, au cœur d’un contexte où le livre devient, malgré lui, un champ de bataille diplomatique.
Le cas Gallimard illustre cette fracture. L’interdiction signifiée, sans appel ni dialogue, a provoqué un coup de tonnerre dans le monde littéraire algérien et français. Le roman « Houris » de Kamel Daoud, exprimé pour son contenu, est devenu l’épicentre d’une polémique sans précédent qui a mis à mal la réputation même du salon.
Les maisons d’édition françaises, conscientes de l’enjeu, réfléchissent à l’impact politique d’une participation à un événement où la liberté de publication est directement remise en cause. La littérature, censée incarner la pluralité des voix, se retrouve muselée par des décisions étatiques.
29 octobre, le verdict culturel et politique
Alors que le compte à rebours s’accélère, le 29 octobre se profile comme une date charnière. Cette journée ne déterminera pas seulement l’ouverture d’un salon du livre mais révélera aussi si la culture peut véritablement transcender les divisions politiques. L’absence éventuelle des éditeurs français enverrait un signal puissant, un coup de semence à ce que le livre soit avant tout un espace de dialogue ouvert.
La vigilance est donc de mise ? dans un pays où le livre reste le véhicule d’un héritage pluriel et la voix d’un peuple en quête de reconnaissance, la 28e édition du SILA sera testée dans sa capacité à réunir les cultures, malgré les fractures.
À Alger, le carrefour des cultures attend sa réponse. La littérature, au-delà des chiffres, joue peut-être son destin.