Souhil Meddah:"Le système fiscal algérien n’assure aucun équilibre macroéconomique à moyen et à long termes" | Maghreb Émergent

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Souhil Meddah: »Le système fiscal algérien n’assure aucun équilibre macroéconomique à moyen et à long termes »

Par Yazid Ferhat
25 février 2018

Le problème du régime fiscal algérien est  dans la forme et le schéma de répartition ou de collecte de ses ressources ainsi que dans la capacité des services fiscaux à pouvoir identifier les niches cachées existantes, explique l’expert financier Souhil Meddah.

 

L’Algérie peut-elle, sous quelque aspect que ce soit, être considérée comme un paradis fiscal?

Tout dépend de l’ongle d’approche à partir duquel on détermine les clauses du système fiscal. La réglementation fiscale s’applique à la fois sur les revenus des unités économiques comme sur les revenus des  personnes. Pour le premier segment, le degré d’application s’interprète d’abord par l’ensemble des avantages qui s’offrent aux opérateurs économiques avec la volonté de motivation voulue par les pouvoirs publics en termes des exonérations accordées durant les phases avant et pendant l’investissement et aussi après leur entrée en exploitation. Ce mécanisme d’avantages était avant 2017 élargi à plusieurs catégories très diversifiées dans des secteurs de l’industrie, des services et des travaux, et il a été ensuite rétréci uniquement sur quelques familles d’activités considérées comme porteuses de valeurs réelles à l’économie nationale. Dans cette perspective, la notion de l’octroi des avantages signifie un allègement implicite ou explicite par rapport aux dépenses de coûts pour l’investissement au moment de la création en permettant à chaque opérateur économique débutant dans un domaine autorisé par cette nomenclature d’avoir une marge de maneouvre très importante sur sa trésorerie pour pouvoir préserver plus de ressources nécessaires pour son projet et de se lancer vers d’autres phases. Mais le régime des avantages ne peut en aucun cas être considéré comme un élément favorisant l’existence d’un paradis-fiscal, mais il est en réalité un soutien implicite pour créer une fiscalité plus importante différée pour les prochaines années.

Pour la question des revenus, les opérateurs économiques et après épuisement de leur délai de grâce basculent du régime des avantages vers celui du système ordinaire avec la stricte obligation d’honorer leurs engagements fiscaux par voies déclaratives. Les formes des taxes et impôts sont essentiellement imputées sur les revenus, les plus-values, les détentions pour compte sur valeurs ajoutées et aussi la taxe de l’activité professionnelle qui est directement adossée à leur production directe et indexée proportionnellement en hausse ou en baisse par rapport au chiffre d’affaires. 

D’autre part, les revenus sur les personnes sont à la fois connectés aux activités industrielles et commerciales avec une base d’imposition indexée sur l’imposition de leurs unités économiques (ex : les associés dans des sociétés…), sur les quotes-parts des répartitions hors affectations vers les réserves ou le capital, ce qui implique pour les acteurs économiques une imposition qui est de facto doublement imputée.

 Parallèlement à ce dispositif, il existe un autre modèle de déclaration unique qui est  l’impôt forfaitaire unique IFU qui est appliqué directement sur les recettes, et qui est considéré comme un impôt unique qui regroupe toutes les autres formes de contributions fiscales sur l’activité et sur l’extra-activité. L’inconvénient dans ce système, c’est qu’il est établi sur une base déclarative moyennant un support assumé seulement par le contribuable lui-même sans aucun effet de rapprochement ou de vérification par les instances fiscales concernées.

Et dans un autre ordre, la fiscalité sur les personnes se partage en deux régimes, l’un déclaratif pour les transactions et les activités extra-commerciales,  et l’autre est un système de retenue à la source imposé sur les salaries considéré comme l’un des plus importants gisements de la fiscalité ordinaire.

La qualification du système fiscal algérien ne se limite pas dans la nature de la déclaration ou des taux appliqués, mais dans l’objet de son affectation entre secteurs, industries, services, négoces, fonctions libérales, etc., et aussi sur le mode et les mécanismes de son recouvrement avec un système déclaratif dopé d’exagérations et d’incohérences qui reste difficile à traquer ou à maitriser. D’autres activités annexes pour les fonctionnaires par exemple échappent à la règle d’imposition du fait que l’acte déclaratif n’est pas considérée comme une obligation par les concernés.

Enfin, la vraie question qui concerne le fonctionnement du régime fiscal ne réside pas uniquement dans sa lourdeur, mais dans la forme et le schéma de répartition ou de collecte de ses ressources et aussi dans la capacité des services fiscaux à pouvoir identifier les niches cachées existantes.  

             

Qu’est-ce qu’un étranger, particulièrement un français par exemple, peut gagner d’un point de vue fiscal s’il s’installait en Algérie ?  

En dehors des clauses conventionnelles bilatérales de non imposition entre l’Algérie et d’autres pays. Un ressortissant étranger installé en Algérie peut dans le cadre de son activité de droit algérien bénéficier des mêmes avantages que les autres opérateurs avec la condition que son apport en capital passe par un compte spécial capital libellé en monnaie étrangère lors de la création de sa société. Ainsi, le recours à l’impôt IFU représente pour lui un avantage de facilitation et de simplification avec un risque moins probable d’être exposé à des risques de contrôle et de vérification.

Pour les personnes installées à titre personnel, elles sont imposées au même titre que les autres si elles perçoivent leurs revenus en dinars. Pour les personnes non résidentes qui exercent des activités en Algérie sans une présence permanente, elles doivent verser une taxe adossée à leur revenu converti en dinar au moment de son transfert à l’étranger.

 

Où peut-on situer, fiscalement, l’Algérie dans le pourtour méditerranéen?

L’architecture fiscale s’applique généralement en fonction de l’indentification des ressources et de leurs champs d’application. Son statut repose sur deux grandes formes de ressources. Ressources rentières et ressources tirées à partir des activités des acteurs économiques et du dynamisme des flux intérieurs.

Le champ d’imposition à partir des ressources pétrolières assume la première forme de pression fiscale, à la fois sur sa quote-part de contribution et sur les instruments utilisés dans son évaluation et en produisant des dinars en contrepartie des devises encaissées. Ce degré de pression fiscale évolue en fonction des besoins et des artifices libellés en cas de nécessité par variation des cours de change.

Sur le plan de la fiscalité ordinaire, les taux et les champs d’application varient selon la nature de l’assiette et de son statut sur les plans microéconomique et macroéconomique. Cette catégorie est touchée par des impositions directes ou indirectes tout en comptant sur l’apport du contribuable dans la définition de son assiette, sauf pour les taxes qui sont implicitement incorporées dans des produits et services qui sont supportées par les consommateurs et les utilisateurs au prorata de leur capacité individuelle de consommer . D’autre part, il y’a certains chapitres qui manquent d’actualisation en matière de taux ou d’assiette d’application.  

A titre de conclusion, il est évident que les parties composant notre fiscalité s’alimentent les unes des autres, car une grande partie des ressources fiscale ordinaires s’appuie sur la fiscalité pétrolière. C’est un schéma qui est naturellement adossé au modèle de croissance, il compte sur une ressource fiscale pour allumer les autres ressources fiscales. Et sur le principe macroéconomique, il n’assure aucun équilibre à moyen et à long termes.

 

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