Chronique –
C’est un chiffre qui a fait couler beaucoup d’encre entre Algériens sur LinkedIn, mais rien ne dit qu’il y ait beaucoup de jus de poire à la clé. Un récent rapport de la FAO, repris par Al Jazeera, classe l’Algérie comme le premier producteur de poires du monde arabe, avec près de 170 000 tonnes métriques récoltées en une seule année. Le sujet n’a pas attiré un grand intérêt dans la presse… mais il a déclenché un débat passionné sur LinkedIn, que d’aucuns qualifient de café numérique des économistes, experts et acteurs économiques algériens.
À la lecture des contributions, il est clair que le record ne crée aucun unanimisme — il a même divisé les intervenants, comme une poire trop mûre. On a d’un côté les enthousiastes — faut-il les appeler les optimistes ? — qui saluent la “performance” et pensent immédiatement à l’export. De l’autre, les réalistes — faut-il les appeler les pessimistes ou les rabats-joies ? — qui observent que le produit n’est pas tellement visible sur les étals et que son prix rivalise avec celui des produits importés. Bref, un débat qui avait toutes les chances de finir en… compote.
Le peptimisme est de rigueur !
Mais au final, ce débat très intéressant nous fait penser au grand écrivain palestinien de gauche Émile Habibi, qui inventa le mot moutachâel — mélange d’optimisme et de pessimisme — traduit en français par Le Peptimiste. Sur LinkedIn, donc, le débat algérien sur la poire a tourné au peptimisme. À défaut de couper la poire en deux, le mot permet d’inclure à la fois les enthousiastes et les réalistes rabats-joies.
De l’enthousiasme, il y en avait dans cette discussion — jusqu’à un soupçon d’euphorie. On y évoque une opportunité “stratégique” de positionner la poire algérienne sur les marchés internationaux. “Pourquoi ne pas en faire un produit d’appel ?” souligne un intervenant, en évoquant — en rêvant ? — les débouchés possibles vers l’Afrique, le Golfe, voire l’Europe.
À une condition, qui est de taille : maîtriser la logistique, le conditionnement et les normes phytosanitaires. Et voilà que l’optimisme est rappelé par le réel… et nous rappelle le fabuleux Saïd le Peptimiste. La poire comme ambassadrice du terroir algérien ? Oui, mais il faut que la logistique suive.
Une réalité moins sucrée
C’est là que les réalistes terre-à-terre interviennent pour dire que la réalité est moins sucrée : la poire algérienne, qui bat les records, est presque absente des étals. Et quand elle est disponible, elle coûte entre 450 et 1200 dinars — autant dire dans la fourchette des produits importés.
D’autres rappellent que la poire est une culture gourmande en eau et sensible aux maladies, notamment le feu bactérien. Dans un contexte de changement climatique, parier sur la poire ne serait pas très pertinent. Pour ne pas dire être… une poire.
Ils notent d’ailleurs que les agriculteurs se tournent vers des espèces plus résistantes : pistachiers, amandiers, caroubiers.
Quand la poire mène à la… politique
Mais le paradoxe est là : ce record de production dit que le fruit est là, sauf que le citoyen ne le voit pas. Enfin, il peut le voir… dans les statistiques de la FAO seulement. Comme le LinkedIn DZ est pluraliste, une troisième voie a tenté de satisfaire enthousiastes et rabats-joies en prônant la transformation, avec de la plus-value à la clé. Jus, compotes, pâtisseries, glaces… voilà le programme rêvé du consensus.
Mais là aussi, les objections se sont fait entendre : l’idée est “juteuse”, mais il faut au préalable engager des investissements, structurer des filières, et — last but not least — avoir une volonté politique.
Le débat sur la poire mène bien loin, jusqu’à la politique — terrain miné en Algérie. Autant dire que la poire n’est pas encore mûre.