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Tebboune à l’IATF 2025 : l’Afrique ne peut plus se contenter de 3 % du commerce mondial

Par Lynda NACER
4 septembre 2025
Abdelmadjid Tebboune lors de son discours d’ouverture de la 4ᵉ Foire commerciale intra-africaine (IATF 2025) à Alger, appelant les pays du continent à « fédérer leurs efforts » pour sortir de la marginalisation économique mondiale.

En ouverture de l’IATF 2025 à Alger, Abdelmadjid Tebboune a souligné que, malgré ses richesses et ses 1,5 milliard d’habitants, l’Afrique reste marginalisée dans l’économie mondiale, réduite à 3 % du commerce planétaire.

Le décor est celui d’une foire commerciale, mais le discours s’est apparenté à une critique de l’ordre économique mondial. À l’ouverture de la 4ᵉ édition de la Foire commerciale intra-africaine (IATF) ce jeudi, Abdelmadjid Tebboune a livré une lecture directe : l’Afrique demeure au banc de touche des grandes décisions, prisonnière de structures internationales où son poids est marginal, malgré ses richesses et son potentiel démographique.

Le président a choisi la rigueur des chiffres pour convaincre. À l’entendre, l’arithmétique suffit à démontrer l’ampleur du déséquilibre. Au Fonds monétaire international, l’Afrique ne détient que 6,5 % des droits de vote, la plus faible part de toutes les régions. À la Banque mondiale, la proportion grimpe légèrement à 11 %, mais reste insuffisante pour peser dans les orientations stratégiques. Quant à l’Organisation mondiale du commerce, le symbole d’une direction africaine n’a pas suffi à corriger la marginalité persistante. Le commerce mondial échappe presque totalement au continent : à peine 3 % des échanges, alors même que l’Afrique détient près de 30 % des ressources naturelles de la planète et compte une population dépassant 1,5 milliard d’habitants, soit l’un des plus grands marchés émergents.

La marginalisation ne s’arrête pas là. Les flux d’investissements étrangers vers l’Afrique plafonnent à 94 milliards de dollars par an – le plus faible niveau à l’échelle mondiale. Derrière ces statistiques, Tebboune a dressé l’image d’un continent riche en potentialités, mais tenu à distance des décisions qui structurent l’économie globale. En filigrane, le diagnostic devient argument politique : l’exclusion n’est pas une fatalité mais le produit d’un système verrouillé, qui perpétue les déséquilibres.

Un continent fragmenté et privé de ses propres marchés

À ce constat international s’ajoute une critique tournée vers l’intérieur du continent. Le commerce intra-africain, limité à 15 % des échanges, reste faible face au modèle européen où plus de 60 % des transactions se font entre pays membres. Le chiffre illustre la fragmentation des économies africaines, l’absence de corridors logistiques fiables et de chaînes de valeur intégrées. « Cette situation prive nos économies de millions d’emplois », a insisté Tebboune, plaçant la jeunesse africaine au centre de son raisonnement.

Face à ce constat, le président a projeté l’Algérie comme un acteur pivot. Sa stratégie consiste à mettre en avant les grands chantiers déjà engagés pour montrer que des solutions existent. La route transsaharienne, destinée à relier Alger à Lagos et à ouvrir des corridors commerciaux vers l’Afrique de l’Ouest. Le gazoduc Algérie-Nigeria, pensé comme un instrument d’intégration énergétique et un atout géopolitique. La dorsale à fibre optique transsaharienne, appelée à renforcer la souveraineté numérique et à connecter les populations.

À cela s’ajoutent les nouvelles liaisons aériennes et maritimes entre capitales africaines et l’ouverture de banques algériennes au sud du Sahara. La liste, longue et détaillée, vise à montrer que l’Algérie ne se contente pas de dénoncer : elle cherche à incarner une dynamique continentale.

L’éducation et la jeunesse comme levier d’avenir

Le discours a ensuite pris un tour plus concret, en évoquant l’éducation et la formation. Depuis l’indépendance, Alger revendique la formation de 65 000 cadres africains et continue d’octroyer 8 000 bourses d’études chaque année. Une politique souvent ignorée, qui touche pourtant à des secteurs stratégiques : mathématiques, intelligence artificielle, nanotechnologies, robotique. En rappelant ces chiffres, Tebboune a voulu démontrer que la solidarité africaine ne se mesure pas uniquement en infrastructures mais aussi en capital humain.

La clé de voûte du propos reste démographique. « L’Afrique est un continent jeune, contrairement aux autres continents qui vieillissent », a martelé le président. Cette jeunesse, présentée comme une chance unique, devient à la fois argument économique et levier politique. Transformer cette énergie en force productive, innover plutôt que subir, imposer la voix africaine plutôt que la subir : tel est le fil rouge.

Dans les coulisses de l’IATF, d’aucuns ont vu dans cette allocution une affirmation d’ambition régionale. Plus qu’un simple discours d’ouverture, Tebboune a cherché à placer l’Algérie comme porte-voix d’un continent qui refuse sa marginalisation. Mais l’interrogation demeure : l’élan rhétorique peut-il se traduire en réelles dynamiques d’intégration ? Car si le diagnostic est largement partagé, la mise en œuvre reste le point faible des tentatives africaines.

En filigrane, le message s’adresse autant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Vers les puissances mondiales, l’Algérie affirme que l’Afrique ne peut plus être ignorée sans conséquence sur l’équilibre global. Vers ses propres citoyens, le pouvoir envoie le signal d’un pays qui revendique une stature de leader continental, héritier d’un rôle historique de médiateur et de soutien aux causes africaines.

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