Alors qu’il n’est ni à la fin de son mandat, ni à quelques jours de la première année de son second mandat, le président Abdelmadjid Tebboune dresse un large bilan de son action depuis décembre 2019. Le ton est affirmatif, les réalisations listées comme autant de preuves d’un renouveau à l’œuvre. Mais cette séquence soulève des questions : pourquoi maintenant ? Et que dit-elle du moment politique que traverse l’Algérie ?
Refondation politique et restauration de la confiance
Le premier volet du bilan, d’après l’APS, touche au registre politique. Arrivé au pouvoir dans le sillage du Hirak, Tebboune affirme avoir engagé une refonte des institutions : dissolution de l’ancien Parlement, organisation d’élections législatives anticipées, révision de la Constitution via référendum, et inclusion accrue de la jeunesse dans la vie publique.
Ce discours de rupture avec « l’ancien régime » met en avant le retour du citoyen au cœur de la décision publique. Le président répète que « le citoyen est une ligne rouge », posant la dignité nationale comme pilier de son projet.
Mais plusieurs observateurs relèvent que cette volonté de reconstituer un lien de confiance avec la population prête à caution. L’abstention record lors des scrutins récents, la faible vitalité de la scène politique, ou encore le poids toujours important de l’administration dans les équilibres institutionnels interrogent sur la portée réelle de cette refondation.
Diversification économique et ambition industrielle
Sur le plan économique, le président met en avant un taux de croissance estimé à 4,2 %, un essor inédit des exportations hors hydrocarbures (près de 7 milliards de dollars), et des efforts de modernisation industrielle, avec en vitrine la relance du secteur ferroviaire.
Tebboune affirme que l’Algérie a entamé sa sortie de la dépendance pétrolière, en misant sur les secteurs productifs, les start-up, l’agriculture et la recherche. Des écoles dédiées à l’intelligence artificielle ont vu le jour, tout comme un dispositif d’encouragement à l’auto-entrepreneuriat.
Si ces indicateurs sont encourageants, ils doivent être relativisés. Le tissu économique privé reste contraint, l’environnement des affaires n’attire pas les investisseurs étrangers en nombre souhaité, et les disparités sociales demeurent. La stratégie économique semble encore très dépendante de l’initiative publique, avec des résultats variables selon les secteurs.
Retour sur la scène internationale
Le chef de l’État souligne le rôle diplomatique retrouvé de l’Algérie : médiation régionale, positionnement clair sur la Palestine, engagement pour la paix au Sahel, affirmation d’une politique étrangère indépendante. Ce retour au multilatéralisme et à la souveraineté dans le discours diplomatique est présenté comme un gage de crédibilité retrouvée.
Cependant, dans un contexte géopolitique marqué par l’instabilité et la compétition d’influences, la portée réelle de cette diplomatie de principes mérite d’être analysée à l’aune de ses résultats concrets.
Un timing qui interroge
Le caractère structuré et valorisant de ce bilan donne à penser qu’il s’agit d’un jalon politique, voire d’un positionnement dont il n’est pas aisé d’en saisir l’objectif. Il faut dire qu’Abdelmadjid Tebboune n’est pas en fin de mandat et n’a pas encore bouclé une année de son second mandat.
Dès lors, pourquoi ce bilan maintenant ? Simple rappel à ses contempteurs ou réponse à une conjoncture interne et régionale qui exige de réaffirmer son image?