L’Algérie, grande puissance économique régionale, semble dormir sur ses capacités textiles, tandis que son voisin marocain connaît une véritable explosion dans ce secteur stratégique. Entre ambitions de relance, salons internationaux et réalité industrielle souvent sinistrée, le contraste est saisissant.
Ce décalage s’explique avant tout par des différences dans les stratégies industrielles et les investissements. L’avenir de la filière textile algérienne dépendra de sa capacité à se rénover et à s’adapter rapidement.
Réunion décisive confirmant la volonté algérienne
Samedi dernier à Alger, le ministre de l’Industrie, Yahya Bachir, a tenu une réunion de travail avec le holding public Jetex, spécialiste du textile et du cuir. Cette rencontre a permis de dresser un état des lieux du secteur et de lancer un plan incisif pour lever les freins réglementaires, structurels et financiers, en vue de dynamiser la filière.
Le ministre a insisté sur la modernisation des modes de gestion, centrée sur la numérisation et l’innovation, ainsi que sur le renforcement des partenariats public-privé. L’objectif est clair : relancer un tissu industriel productif, capable de générer des emplois durables et de réduire la lourde facture des importations textiles.
Le salon Alger Textile 2025, une plateforme stratégique
Cette volonté politique s’illustre également à travers la tenue, du 6 au 8 octobre à la Safex, du Salon international du textile. Rassemblant plus de 50 entreprises venues de Turquie, Chine, Italie, Corée et Algérie, cette troisième édition ambitionne de faire d’Alger un hub régional incontournable du textile.
Les professionnels pourront y découvrir les dernières tendances et technologies, nouer des partenariats et renforcer l’intégration des chaînes de valeur. Ce rendez-vous constitue une vitrine majeure pour redynamiser et donner une visibilité locale et internationale à un secteur vital.
Le mirage marocain, modèle et avertissement
Un simple regard sur la filière textile marocaine suffit à mesurer l’ampleur du retard algérien. Le Maroc s’impose comme un champion régional, le textile représentant environ 15% de son PIB industriel en 2024 et employant quelque 200 000 personnes, dont 60% de femmes.
L’Agence marocaine de développement des investissements (AMDIE) vante la qualité de la main-d’œuvre, la rapidité des délais de production et la proximité du marché européen. En 2024, le pays a exporté près de 2,9 milliards d’euros de produits textiles vers l’Union européenne, qui absorbe 70% de ses exportations.
Cependant, le secteur fait face depuis 2024 à une légère baisse, en raison de la concurrence asiatique toujours plus agressive, notamment celle de plateformes comme Shein ou Temu, qui inondent l’Europe de produits à bas coûts. Malgré cela, le Maroc reste un acteur majeur et un exemple à suivre, ayant su bâtir un réseau dense de plus de 1 600 fournisseurs locaux au service des grandes enseignes mondiales.
Le cas emblématique de la filature Cotitex à Draâ Ben Khedda
Pendant ce temps, l’Algérie compose avec des usines historiques telles que la filature Cotitex de Draâ Ben Khedda (DBK), dans la wilaya de Tizi Ouzou, autrefois fleuron industriel avant de sombrer dans l’inertie.
La vétusté du matériel, la surcharge des stocks et la concurrence accrue ont entraîné une quasi-paralysie de la production. Même après une injection de 3,5 milliards de dinars en 2018 pour sa réhabilitation, le complexe peine à retrouver son dynamisme. Il n’emploie plus qu’environ 600 salariés et se concentre aujourd’hui sur la production de textiles industriels et techniques.
Cet exemple illustre l’immense chantier auquel l’Algérie est confrontée. Le pays dispose pourtant de ressources humaines, économiques et technologiques importantes, mais peine encore à mobiliser pleinement son potentiel et à moderniser ses industries.
Le plan industriel actuel vise à mieux coordonner les complexes publics tels que Jetex et ETI avec des acteurs privés afin de créer des synergies et stimuler la production locale.
Obstacles et urgences algériennes
Le textile algérien souffre de nombreux maux : retard technologique, gestion inefficiente, manque d’innovation, faible intégration industrielle et circuits commerciaux limités. Si l’État semble aujourd’hui conscient de la gravité de la situation, les résultats concrets tardent à se faire sentir.
Pour réduire son lourd déficit commercial et créer des emplois pérennes, l’Algérie devra accélérer la formation de main-d’œuvre qualifiée, diversifier sa production, moderniser ses équipements, attirer davantage d’investisseurs et instaurer un environnement économique propice à la compétitivité.
Le comparatif avec le Maroc montre clairement que les performances économiques ne dépendent pas uniquement des ressources naturelles, mais aussi d’une stratégie industrielle cohérente, d’une gouvernance efficace et d’un tissu entrepreneurial dynamique.