Cette année encore, l’Algérie traverse sa saison estivale avec un paradoxe, un littoral parmi les plus riches et diversifiés de la Méditerranée, mais une fréquentation et un rendement touristique loin de refléter ce potentiel. Les chiffres, les témoignages et l’observation du terrain confirment un constat : le tourisme algérien, malgré ses promesses, peine à décoller.
Un littoral d’exception, mais sous-exploité
L’Algérie dispose officiellement de plus de 1 600 kilomètres de côtes et 417 plages recensées, dont environ 400 autorisées à la baignade. De Jijel à Tipaza, en passant par Boumerdès, Alger, Béjaïa et Tizi Ouzou, le pays possède un chapelet de sites balnéaires qui rivaliseraient sans rougir avec les destinations méditerranéennes les plus réputées.
Pourtant, le contraste est saisissant : infrastructures vieillissantes, signalisation absente, routes saturées, manque de services essentiels, absence de parkings organisés, et surtout, un déficit criant dans la promotion et la gestion de l’offre touristique.
Tizi Ouzou et Béjaïa incarnent parfaitement ce paradoxe. Nichées entre mer et montagne, elles offrent des paysages uniques, criques sauvages d’Azzefoun, plages de Tigzirt, falaises de Cap Carbon, étendues sableuses de Tichy ou Sahel. Le Djurdjura et la vallée de Yakouren ajoutent une dimension montagnarde et culturelle à cette carte postale.
En 2024, Béjaïa a enregistré plus de 1,2 million d’estivants sur ses 45 plages dont 35 autorisées à la baignade, réparties sur 120 kilomètres de littoral. Sur le papier, c’est un succès. Dans la réalité, les tarifs de location — de 6 000 à 12 000 DA la nuit pour un appartement standard, jusqu’à 65 000 DA pour une villa — dissuadent de nombreux vacanciers algériens. À Tizi Ouzou, un simple F3 à Tigzirt se négocie autour de 6 000 DA la nuit.
Ces prix élevés, combinés à une offre hôtelière limitée, orientent une partie des touristes ver la Tunisie.
La concurrence tunisienne : une leçon de stratégie
En matière de communication, la comparaison est frappante. Les autorités tunisiennes publient tous les dix jours des données précises sur l’affluence, permettant de suivre en temps réel la dynamique de la saison.
Côté algérien, la communication reste floue, quelques bilans ponctuels, des discours généraux sur « l’amélioration des infrastructures » ou « l’accueil des estivants », mais aucun suivi chiffré régulier.
Résultat, l’impression d’un secteur géré à l’aveugle, sans stratégie marketing claire, ni rétroaction permettant d’ajuster l’offre.
En Tunisie, le visiteur trouve des hôtels pour tous les budgets, un réseau routier fluide, des services balnéaires bien organisés, et un marketing constant, en ligne comme hors ligne. Les prix sont compétitifs, souvent inférieurs à ceux de la Kabylie pour des prestations supérieures.
Ce déficit d’organisation et de promotion a un coût. L’argent dépensé par les Algériens en Tunisie ( hébergement, restauration, loisirs ) représente des centaines de millions d’euros qui ne circulent pas dans l’économie locale.
À Béjaïa, par exemple, la résidence Taïda pas loin des plages Aït Mendil et Beni Ksila attirent chaque été des familles entières. Mais le ticket d’entrée reste élevé, 10 000 DA la nuit pour un hébergement familial avec piscine. Les clients qui peuvent se le permettre existent, mais une grande partie des ménages préfèrent traverser la frontière pour bénéficier d’un meilleur rapport qualité-prix.
Le littoral de Jijel, Boumerdès, Alger et Tipaza regorge de plages vierges, de criques et de sites patrimoniaux qui pourraient constituer un circuit touristique intégré avec la Kabylie. Une route côtière modernisée, des liaisons maritimes locales et une promotion ciblée pourraient transformer cette façade maritime en un corridor touristique majeur.
Mais ces wilayas souffrent du même mal. Absence de vision intégrée, lenteur dans les projets, et peu de synergie entre acteurs publics et privés.
Une opportunité économique colossale
Si l’Algérie parvenait à structurer et moderniser son offre, le tourisme balnéaire pourrait devenir un moteur économique.
Les retombées ne se limiteraient pas aux hôtels : artisans, restaurateurs, transporteurs, agriculteurs, tous bénéficieraient d’un afflux régulier de visiteurs.
Un modèle existe, la Tunisie. Mais au lieu de le copier tel quel, l’Algérie pourrait miser sur un tourisme hybride balnéaire l’été, montagneux et culturel l’hiver, avec des événements sportifs et artistiques pour lisser la fréquentation.
Pour stimuler le tourisme, il faut d’une part réduire la fiscalité sur les investissements hôteliers afin d’encourager la construction et la rénovation. Comme en Tunisie, une exonération d’impôt pour les entreprises récemment crées durant les quatre premières années, à partir du début de leurs activités, est une bouffée d’oxygène pour ses privés de se lancer loin des pressions fiscales et les impôts.
Il serait aussi pertinent de créer une centrale de réservation nationale, à l’image de VisitPortugal.com, garantissant transparence des prix et qualité de service, tout en offrant aux visiteurs la possibilité de comparer et réserver directement en ligne.
Parallèlement, la formation du personnel à l’accueil multilingue et à la gestion moderne, sur le modèle des écoles hôtelières qui collaborent avec des réseaux internationaux, renforcerait l’attractivité de la destination.
D’autre part, il est nécessaire de lancer des campagnes publicitaires sur les réseaux sociaux en temps réelle, une occasion aux étranger de découvrir le potentiel énorme de l’Algérie, même derrière les écrans, ce qui attire de plus en plus de gens, et le meilleur exemple c’est le coucher de soleil à Askram, au sud algérien, il drainait chaque année des centaines de touristes grâce au photos et vidéos partagées sur le toile
En 2025, le tourisme en Algérie ressemble à un géant endormi au bord de la Méditerranée. Le pays possède des atouts que beaucoup lui envient : des centaines de plages, un arrière-pays montagneux unique, un patrimoine historique millénaire, une culture vivante. Mais sans infrastructures modernes, sans politique tarifaire adaptée et sans communication dynamique, ces atouts resteront lettre morte.
En attendant, la Tunisie continue d’accueillir chaque année des centaines de milliers d’Algériens. Non pas parce que ses plages sont plus belles, mais parce que son tourisme est mieux pensé. Et c’est là que réside toute la leçon.