L’arrestation à Almería d’un passeur algérien qui facturait 7 000 euros la traversée vers l’Espagne révèle un marché transnational en pleine expansion. Les réseaux, mixtes algériens et espagnols, utilisent des embarcations rapides et une logistique sophistiquée pour répondre à une demande constante. Le coût des traversées clandestines atteint parfois 10 000 euros, transformant la Méditerranée en un marché extrêmement rentable, malgré les risques mortels.
Le sujet fait le tour des médias espagnols aujourd’hui : un Algérien a été arrêté à Almería, accusé d’avoir piloté une embarcation pneumatique de 7 mètres et d’avoir exigé 7 000 euros à chacun de ses 16 passagers pour la traversée depuis l’Algérie. Le ressortissant algérien, qui faisait déjà l’objet de plusieurs mandats d’arrêt, “transportait treize hommes, deux femmes et un mineur voyageaient dans des conditions mettant gravement leur sécurité en danger” selon l’agence Europa Press.
7000 euros dans une embarcation pneumatique, la somme, qui peut sembler aberrante pour une traversée sur un bateau de fortune, est pourtant devenue la norme sur cette route migratoire. Le tarif s’inscrit en effet dans une tendance observée depuis plusieurs années : l’augmentation continue du prix du passage entre l’Algérie et l’Espagne. Pendant longtemps, les traversées clandestines étaient relativement peu onéreuses. Quelques centaines d’euros suffisaient pour monter à bord d’une petite patera bricolée. La demande, croissante, a changé la donne: depuis 2020, les prix ont explosé.
Une fourchette de 4 000 à 10 800 €
Selon le Mixed Migration Centre, qui suit régulièrement les routes migratoires en Afrique du Nord, une traversée depuis l’Algérie vers l’Espagne coûte désormais “typiquement autour de 6 000 €”, avec une fourchette allant “de 4 000 à 10 800 € selon la saison, le type de bateau et la route empruntée”. Une autre mise à jour du quatrième trimestre 2024 du même centre mentionne des traversées tarifées autour de 5 000 € vers certaines îles espagnoles.
Ce renchérissement spectaculaire s’explique notamment par la transformation des réseaux. Les passeurs utilisent désormais des embarcations rapides, mieux motorisées, capables de déjouer radars et patrouilles. En aout dernier, une opération de la Garde civile espagnole, avec le soutien d’Europol, a démantelé un réseau de trafic de migrants entre l’Algérie et l’Espagne qui a investi plus d’un million d’euros dans des vedettes rapides et facturait jusqu’à 7 000 euros par personne. Le réseau, basé dans le sud de l’Espagne, disposait d’une flotte de 15 embarcations pneumatiques équipées de moteurs puissants.
Des réseaux algéro-espagnols
Il est important de souligner que ces réseaux ne sont pas uniquement algériens. Les enquêtes récentes montrent que la plupart sont transnationaux, avec des cellules en Algérie et des relais en Espagne, qui s’occupent de la logistique sur la côte (accueil, ravitaillement, hébergement, transferts). Certaines organisations incluent même des membres d’autres nationalités pour gérer le financement ou le transport. Cette structuration transnationale explique en partie leur efficacité et leur résistance aux contrôles policiers.
La persistante envie de harga en Algérie ou via l’Algérie pour d’autres nationalités, entretient une demande constante permettant aux passeurs de maintenir des tarifs très élevés. Plusieurs migrants paient 6 000 à 8 000 € pour atteindre Formentera, comme l’indique le journal El Pais dans un article consacré à l’emprisonnement de deux “capitaines” algériens de Pateras-Taxi. Ils transportaient 24 personnes, ce qui leur a permis d’engranger plus de 228 000 € en un seul voyage. La route Algérie-Espagne est en effet très lucrative. Un article de La Razón affirme qu’un réseau qui a fait entrer 80 migrants a accumulé plus de 560 000 €, soit environ 7 000 € par personne. Dans d’autres cas, la traversée dite “rapide” ou “semi-VIP” peut grimper à 9 500 € par personne. Frontex a de son coté alerté sur ces réseaux très structurés et mixtes, utilisant des bateaux à grande vitesse et facturant jusqu’à 7 000 €
Entre professionnalisation des réseaux, intensification des contrôles et demande toujours forte, le prix des traversées clandestines entre l’Algérie et l’Espagne continue de grimper. L’arrestation du passeur à Almería, avec son tarif de 7 000 €, s’inscrit dans un marché transnational où l’espoir se monnaye à prix d’or et où les risques de perdre la vie sont élevés.





