Le gouvernement tunisien a annoncé son ambition de multiplier par cinq la production de phosphate d’ici 2030, visant ainsi à atteindre 14 millions de tonnes métriques par an. Ce projet, qui s’inscrit dans un plan stratégique de relance du secteur, vise également à soutenir les finances publiques du pays, mises à rude épreuve ces dernières années.
En effet, la semaine passée, le chef du gouvernement tunisien, Kamel Maddouri, a présidé une réunion ministérielle qui a été consacrée à l’examen du programme futur de production, de transport et de transformation du phosphate en Tunisie.
Parmi les mesures adoptées figure la création de plusieurs unités industrielles spécialisées. Une unité de production de mono-phosphate fin et de mono-phosphate de calcium granulé sera implantée à Skhira, avec une capacité annuelle de 250 000 tonnes. Une autre unité, également située à Skhira, sera dédiée à la production d’acide phosphorique purifié, avec une capacité de 60 000 tonnes par an. Enfin, une unité de purification de l’acide phosphorique du cadmium sera installée à Mdhilla, avec une capacité annuelle de 180 000 tonnes.
Si l’objectif gouvernemental est ambitieux, certains experts remettent en question sa faisabilité. Hussein Rhili, chercheur en gestion des ressources, estime que la problématique du phosphate en Tunisie est avant tout structurelle. Il considère qu’une production de 7 millions de tonnes à l’horizon 2030 serait une évolution positive, mais que l’objectif de 14 millions de tonnes est peu réaliste, compte tenu des défis techniques et sociaux du secteur.
Rhili met en avant plusieurs contraintes, notamment la disponibilité en eau pour le lavage du phosphate. Il rappelle que le gouvernorat de Gafsa, principal bassin phosphatier du pays, ne dispose que de deux stations d’épuration, avec une capacité de production de 11 000 mètres cubes par jour, alors que la Compagnie des phosphates de Gafsa en nécessite 50 000. Pour pallier ce problème, il suggère l’exploitation de l’usine de dessalement de Skhira et l’adoption du transport hydraulique du phosphate, qui permettrait de réduire la pression sur les ressources souterraines et d’améliorer l’efficacité du transport.
Autrefois l’un des plus grands producteurs mondiaux de phosphate, la Tunisie a vu sa part de marché chuter après la révolution de 2011. Les grèves et protestations à répétition ont entraîné une baisse significative de la production, occasionnant des pertes financières se chiffrant en milliards de dollars. Aujourd’hui, la production annuelle du pays peine à atteindre 3 millions de tonnes, contre environ 8,2 millions en 2010.
Enfin certains experts, estiment que si la Tunisie parvient à relancer son industrie phosphatière, cela pourrait non seulement dynamiser l’économie nationale, mais aussi renforcer la position du pays sur le marché mondial des phosphates, un secteur stratégique pour la production d’engrais et l’agriculture mondiale.