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Tunisie – doutes autour du futur gouvernement d’union nationale

Par Maghreb Émergent 12 août 2016

Le nouveau chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed a jusqu’au 3 septembre pour former son cabinet d’union nationale qui sera, selon lui, purement politique, jeune, ouvert aux femmes et surtout en rupture avec les quotas partisans. Dans les faits, cela risque toutefois de tourner au casse-tête.

En début de semaine, le Premier ministre a entamé la deuxième phase des concertations portant sur la sélection des candidats aux différents portefeuilles ministériels. Bien qu’il jouisse d’un soutien politique solide (le parti présidentiel Nidaa Tounes et son principal allié au pouvoir, le parti islamiste Ennahdha), M. Chahed se trouve déjà, selon des observateurs, face à de grandes pressions avec notamment le retrait de trois partis des négociations, les réserves de la puissante centrale syndicale UGTT, sans parler du mécontentement de l’opposition parlementaire.

Assurer le relais ou revenir à la case départ

Désigné le 3 août dernier, M. Chahed fait face, d’après certain analystes, à un « casse-tête » vu la multitude des chantiers déjà en suspens légués par son prédécesseur, Habib Essid, même si ce dernier peut revendiquer quelques acquis en matière de sécurité, le démarrage de projets de développement et l’élaboration de bon nombre de projets de loi économiques et financiers.
Parmi les 106 projets de loi soumis par le gouvernement Essid à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), 78 ont été approuvés, dont la loi antiterrorisme, la réforme du système bancaire, la lutte contre le trafic humain ainsi que le Code d’investissement, le budget 2016 et le plan quinquennal 2016-2020.
« Bien que le terrain soit plus adéquat pour relancer l’économie du pays via l’accélération de certains projets de développement régionaux et pour booster les investissements, les tiraillements partisans actuels (…) pourraient être lourds de conséquences sur la productivité, la croissance et la création de richesses », commente Kaïs Argoubi, syndicaliste et observateur de la politique tunisienne.
Sur le plan sécuritaire, M. Argoubi pense que le changement de gouvernement et le rythme effréné des concertations en cours ne fera que disperser les efforts de forces sécuritaires déjà en alerte contre une sérieuse menace extrémiste, surtout du côté de la frontière sud-est avec la Libye.

Un enjeu délicat parmi les partis puissants

En désignant un dirigeant de premier rang au sein de sa propre formation à la tête du gouvernement, le président Béji Caïd Essebsi sera, comme le disent certains hommes politiques tunisiens, seul responsable en cas de réussite ou d’échec du nouveau gouvernement d’union nationale, l’initiative personnelle de M. Essebsi.
D’ici le vote de confiance prévu le 3 septembre prochain à l’Assemblée, le nouveau Premier ministre peut compter sur trois atouts rassurants, à savoir le soutien du président Essebsi, des deux principaux partis du pays et du Parlement.
Selon Nizar Makni, expert en politique dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, le nouveau gouvernement tunisien risque d’être « purement partisan, mais surtout plus tourné à droite ».
« Les priorités énoncées dans l’accord de Carthage (document de référence ouvrant la voie au gouvernement d’union nationale, NDLR) n’étaient pas claires et nous devrons attendre leur concrétisation pour en déduire leur efficacité », estime-t-il.
L’épicentre de la crise politique en Tunisie, observe M. Makni, « oscille autour de certains lobbies qui ne cessent de faire pression autour, voire même en profondeur au sein des partis influents ».
Mis à part le parti présidentiel Nidaa Tounes, les islamistes d’Ennahdha auront encore une fois l’opportunité de conforter leur présence au pouvoir. En disposant du premier groupe à l’ARP avec 69 députés, Ennahdha entend bien que son poids parlementaire se reflète au sein de l’appareil exécutif.
Son leader Rached Ghannouchi n’a pas dit autre chose en estimant que « la répartition des charges ministérielles devra prendre en considération les résultats des élections législatives » de 2014. A l’issue de celles-ci, Ennahdha a occupé le deuxième rang des ministères attribués derrière Nidaa Tounes.
« Ennahdha évite de plus en plus le double discours et recourt plutôt à une approche politique plus souple et plus ouverte sur d’autres courants, rendant possible son intention affichée d’élargir sa présence au sein du nouveau gouvernement d’union nationale », analyse Kaïs Argoubi.
« Si le gouvernement de Youssef Chahed échoue, la procédure suivie en sera le principal responsable (…) Nous serions passés d’un gouvernement d’union nationale, selon son énoncé de départ, à un élargissement de la coalition au pouvoir », a récemment déclaré Samir Bettaib, secrétaire général du parti d’opposition Al-Massar, l’une des trois formations ayant quitté les concertations.

Une relance économique en doute

« Le gouvernement sortant d’Habib Essid a accompli des réussites notables en matière de rétablissement de l’ordre, de lutte contre le terrorisme mais surtout pour tout ce qui est ancrage de la suprématie de la loi », souligne Houcine Jaziri, député d’Ennahdha, dans un entretien à Xinhua.
Des prémices de relance touristique commencent également à se voir, assure-t-il, notamment du côté des sites balnéaires de l’est et du sud, particulièrement avec les touristes russes. Ces derniers sont au nombre de 300.000 depuis le début de l’année, un record.
« En revanche, on aurait dû bien défendre les bijoux de l’économie nationale via la réforme de certaines institutions publiques dont Tunisair, Tunisie Télécom et la Compagnie des phosphates de Gafsa », regrette M. Jaziri, par ailleurs ancien secrétaire d’Etat à l’Immigration.
Il faudra également, conclut-il, remédier à une défaillance énergétique alarmante, ancrer la décentralisation administrative, le tout sans oublier les préparatifs des élections municipales prévues pour mars 2017.

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