Depuis l’entrée en vigueur de la réforme sur les chèques en Tunisie, les habitudes de paiement ont été profondément bouleversées ces derniers mois. Pour contourner les nouvelles restrictions juridiques visant à lutter contre les chèques sans provision, de nombreuses entreprises se sont tournées vers les lettres de change. Résultat : une explosion de leur utilisation, mais aussi une forte augmentation des impayés.
Selon les dernières données disponibles, le montant total des lettres de change en circulation pour les mois de février et mars 2025 s’élève à 11 milliards de dinars. Près d’un milliard de dinars, soit environ une lettre sur dix, a toutefois été rejeté pour défaut de provision, un taux jugé alarmant par les analystes.
Ce glissement vers les lettres de change, perçues comme une alternative plus souple mais moins sécurisée, s’explique par la fin de pratiques comme le chèque antidaté, largement utilisé par les PME pour échelonner leurs règlements. Le durcissement légal a donc déplacé le risque, sans le résoudre.
Dans ce contexte d’incertitude, les paiements en espèces se multiplient, alimentant une hausse des liquidités en circulation et accentuant les tensions sur la trésorerie des entreprises.
Pour les experts, cette situation fragilise l’ensemble du tissu économique et menace la continuité des échanges. Ils appellent à renforcer la régulation des effets de commerce, à diversifier les solutions de financement et à accélérer la digitalisation des paiements afin de limiter les risques de fraude et d’impayés.
Cette crise met en lumière l’urgence d’une réponse stratégique globale, au croisement des réformes financières, de la politique monétaire et de l’environnement des affaires.