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Tunisie – Le débat à nouveau lancé sur le projet de loi relatif à la réconciliation économique

Par Maghreb Émergent
5 juillet 2016
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Le projet de loi présente un paradoxe invraisemblable : pour lutter contre les inégalités et l’injustice sociale, le gouvernement se penche vers ceux qui les ont provoqués pour y remédier, affirme un collectif d’associations.

Le débat est à nouveau lancé sur le projet de loi sur la réconciliation économique et financière. Ce texte, largement contesté par plusieurs forces politiques et composantes de la société civile, devrait être soumis en plénière avant les vacances parlementaires (fin juillet), selon la rapporteure de la Commission de la Législation générale à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Sana Mersni.
Elle a expliqué que la commission examine ce projet dans sa version initiale tel qu’il a été présenté par la Présidence de la République en juillet 2015.
Parallèlement, le Front populaire a déposé, vendredi dernier au bureau de l’ARP un projet de loi organique amendant la loi organique n° 53 de l’année 2013 relative à l’instauration de la justice économique.
L’objectif est d’examiner le dossier des hommes d’affaires et d’accélérer son accomplissement, en révisant les prérogatives de la commission d’arbitrage et de conciliation au sein de l’Instance Vérité et Dignité.
Car pour le Front, l’initiative du président de la république Béji Caid Essebsi et les améliorations qui ont été introduites restent encore loin de la logique et des mécanismes de la justice transitionnelle, ce qui créera un processus parallèle aux mécanismes de la justice transitionnelle évoqués par la constitution.
Une deuxième proposition a été formulée par L’Association Tunisienne du Droit des Affaires (ATDA) qui soutient l’idée d’une loi spécifique aux infractions économiques et financières et appelé à apporter des
amendements au projet de loi sur la réconciliation économique, soumis par la présidence de la République au parlement.
Elle recommande de confier à une structure autonome le dossier des infractions économiques. Une structure qui serait appelée à remplacer la commission chargée des dossiers de la réconciliation proposée par le président de la République dans le projet de loi sur la réconciliation économique.
« Un an après l’initiative présidentielle proposant le projet de loi relatif à la réconciliation économique, et malgré la forte opposition suscitée part la société civile et l’opinion publique, le projet de loi vient d’être inscrit en priorité à la Commission de la Législation générale au sein de l’Assemblée des Représentants du Peuple. Il est donc permis de s’interroger sur les priorités nationales en matière de réformes institutionnelles nécessaires à la transition vers la démocratie et l’Etat de droit », lit-on dans une déclaration conjointe publiée durant le week-end par un collectif d’associations nationales et internationales.
Selon les signataires, ce projet de loi « entre ouvertement en conflit avec la loi organique n°2013-53 du 24 décembre 2013 visant la réforme des institutions afin de « démanteler le système de corruption, de répression et de dictature ».
Le collectif rappelle, dans sa déclaration, les recommandations émises l’an dernier par la Commission de Venise qui avait selon lui exposé l’inconstitutionnalité du projet, car celui-ci prévoyait la création d’un mécanisme démuni de garanties d’indépendance, qui risque de provoquer des conflits de compétences insurmontables avec l’IVD et qui n’offre pas les garanties suffisantes pour atteindre les objectifs de la justice transitionnelle.
Selon les associations signataires, « le projet de loi présente un paradoxe invraisemblable : pour lutter contre les inégalités et l’injustice sociale, le gouvernement se penche vers ceux qui les ont provoqués pour y remédier ».
Parmi les signataires, le Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux, Al Bawsala, l’Organisation contre la Torture en Tunisie, le Syndicat National des Journalistes Tunisiens, l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates, l’Observatoire Tunisien de l’Economie, Avocats Sans Frontières en Tunisie, l’Organisation Mondiale contre la Torture en Tunisie et le Réseau Euro-Méditerranéen des Droits Humains (bureau du Maghreb).
Pour la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH), ce projet « est incapable de résoudre les problèmes socio-économiques auxquels est confronté le pays », appelant la commission de législation générale à le retirer carrément par respect aux martyrs et blessés de la Révolution.
L’organisation a mis en garde jeudi dans un communiqué contre le risque d’entraver le processus de la justice transitionnelle prévue par la nouvelle Constitution.
Dans un post vidéo satirique de trois minutes publié sur sa page Facebook, le Courant démocrate appelle à travers cette séquence bande dessinée à ne pas voter ce projet de loi « avant que la réalité ne se transforme en un cauchemar ». Il insiste sur l’importance de demander des comptes avant toute réconciliation pour prévenir la corruption et le retour aux anciennes pratiques.
Le parti Al-Irada, dirigé par l’ancien président de la République Moncef Marzouki, a estimé que le projet de loi de réconciliation économique constitue une violation de la loi sur la justice transitionnelle et une atteinte à l’Instance Vérité et Dignité en charge du dossier. Selon Al-Irada qui dénonce une tendance « à régulariser la situation d’une bande de voleurs et de cercles influents », ce projet favorise également « l’institutionnalisation du pillage des fonds publics, une pratique courante durant des décennies ».
Pour rappel, les présidents des groupes parlementaires avaient discuté, au cours des dernières semaines, des possibilités d’amendement du projet de loi en vue de l’adapter à la Constitution et la loi sur la justice transitionnelle.
Il est prévu que la commission auditionne des représentants de la présidence de la République et de l’Instance Vérité et Dignité, ainsi que des experts en droit constitutionnel et administratif.
Le président du parlement Mohamed Ennaceur a tenu à préciser au cours d’une conférence de presse que la partie initiatrice du projet, en l’occurrence la présidence de la République, « reste ouverte à toute proposition d’amendement dudit projet de loi ».

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