Le dernier bulletin publié par la Banque Centrale de Tunisie (BCT) le 16 septembre 2025 vient confirmer une transformation des habitudes de paiement des Tunisiens. Le bulletin semestriel de la BCT met en en avant l’avancée majeure des moyens numériques et du repositionnement des instruments traditionnels.
En effet, les chèques connaissent un recul spectaculaire. Seulement 4,1 millions de chèques ont circulé durant le premier semestre de l’année, contre 12,3 millions il y a un an, soit une baisse vertigineuse de près de 67%. La valeur totale des chèques émis reste importante (27,6 milliards de dinars), mais le chèque perd sa place centrale au profit d’outils plus modernes et mieux adaptés aux nouvelles contraintes sécuritaires et commerciales.
La BCT explique cette chute brutale par la prudence liée à l’introduction d’un nouveau format et la généralisation de la plateforme nationale « Tunicheck », amenant commerçants et entreprises à revoir temporairement leurs pratiques.
En miroir, la lettre de change retrouve une nouvelle vigueur : son usage bondit de 155%, pour atteindre 2,1 millions d’opérations et un montant de 25,6 milliards de dinars. Auparavant cantonnée à des usages bien spécifiques, la lettre de change séduit désormais par son cadre contractuel et la confiance qu’elle incarne entre commerçants et clients. Selon des experts, ce regain correspond à une volonté de sécuriser davantage les transactions différées, là où le chèque ne remplit plus le rôle de garantie qu’il occupait pendant des décennies.
Autre fait marquant relevé par la Banque Centrale : les virements bancaires sont en nette hausse (+9,7% en nombre d’opérations), totalisant près de 18,5 millions de transactions pour un peu plus de 37,6 milliards de dinars. Cette progression traduit l’adoption de réflexes modernes de gestion, tant chez les particuliers que chez les professionnels, profitant de l’automatisation des mouvements et de la rapidité d’exécution permise par les plateformes digitales.
Explosion des paiements électroniques
L’adoption des paiements numériques atteint, elle, des sommets inédits. Au premier semestre 2025, la Tunisie compte 5,78 millions de cartes bancaires actives, 3 289 distributeurs automatiques et plus de 40 600 terminaux électroniques dans les points de vente.
Ces équipements forment désormais l’ossature d’un écosystème dynamique : plus de 77,7 millions d’opérations ont été enregistrées par carte, générant 13,8 milliards de dinars. Les transactions par terminaux électroniques progressent fortement (+16% en nombre, +9% en valeur), tandis que les paiements en ligne dépassent les 8,4 millions d’opérations.
Les paiements mobiles s’imposent comme un levier majeur d’inclusion financière. Avec 4,2 millions de transactions pour une valeur totale de près de 1,3 milliard de dinars, le paiement par mobile attire un nombre croissant de Tunisiens, en particulier pour les opérations de paiement courant (près de 60% des flux) et de transfert (33%).
La multiplication rapide des portefeuilles digitaux et l’intégration de solutions comme E-Houwiya dans les plateformes nationales de paiement intelligent témoignent d’une adhésion grandissante, boostée par la simplicité et la rapidité de ces nouveaux services.
Transformation technologique du secteur bancaire
Parallèlement, la modernisation de l’infrastructure bancaire bat son plein. La Banque Centrale poursuit la refonte du système national de compensation, prépare la migration vers la norme SWIFT MX pour renforcer la sécurité des échanges internationaux et met le cap sur l’harmonisation réglementaire. Ces transformations technologiques sont conçues pour consolider la confiance, garantir une meilleure traçabilité des flux et soutenir la montée en puissance de nouveaux acteurs, fintechs et commerce en ligne en tête.
Enfin, selon l’évaluation de la BCT, l’évolution des usages bancaires montre à la fois l’attachement à certaines traditions – le chèque comme instrument « de confiance » – et l’élan résolu vers la digitalisation. Les prochains mois seront décisifs pour ancrer durablement ces changements, à mesure que la législation, la technologie et les usagers progresseront de concert vers un modèle financier plus sûr, inclusif et efficace.