M A G H R E B

E M E R G E N T

Banque

Tunisie – Vers une réforme du système bancaire (OBG)

Par Maghreb Émergent 5 août 2016

La Tunisie met actuellement en place un large programme de réforme et prend diverses nouvelles dispositions législatives afin de renforcer son système financier.

Conformément à la loi adoptée le 9 juin dernier, les banques doivent désormais disposer d’un capital minimum de 50 millions de dinars (20,5 millions d’euros) contre 25 millions de dinars (10,2 millions d’euros) et tout changement de statut juridique, d’activité ou d’acteurs majoritaires doit obtenir l’aval de la Banque centrale de Tunisie (BCT). De plus, la nouvelle loi prévoit de nouvelles conditions d’admission au conseil d’administration d’une banque et requiert la mise en place, au sein de chaque établissement, de comités d’audit interne, d’évaluation des risques et de compensation.
Cette nouvelle loi comptera également des mesures visant à codifier la finance islamique et à renforcer son application. Parmi ces mesures figure la création d’un comité de sanctions indépendant chargé de réprimer les infractions qui ne relèvent pas du mandat de la BCT.

Un cadre de bonnes pratiques

La loi prévoit aussi l’instauration d’un Fonds de garantie des dépôts en tant qu’organe public indépendant de dernier recours. Ce fonds procédera à l’indemnisation des déposants jusqu’à hauteur de 60 000 dinars (24 500 euros), soit un montant qui couvre les économies de 95 % des Tunisiens, selon Slim Chaker, le ministre des Finances.
Ce fonds pourrait également apporter une aide financière aux établissements bancaires, avec l’accord d’un comité composé de cinq personnes comprenant des représentants de la BCT, du ministère des Finances, des contribuables et de la banque en question. Les fonds devraient également être approuvés par un comité d’audit interne et d’évaluation des risques, d’après les informations relayées par les médias en mai dernier.

L’avenir du secteur bancaire

La nouvelle loi constitue un pas en avant pour le secteur bancaire tunisien, selon Ahmed Rjiba, directeur général de la Banque de l’Habitat.
« La version finale est le fruit d’une longue série de discussions entre la BCT et les banques à travers l’Association professionnelle tunisienne des banques et des établissements financiers (APTBEF) qui a également pris en compte les recommandations de l’Assemblée des représentants du peuple. La nouvelle loi a visé à s’aligner sur les normes bancaires internationales et représente l’une des réformes bancaires les plus importantes entreprise par la Tunisie au cours des dernières décennies, » a-t-il déclaré à OBG.
Malgré les efforts déployés par la Tunisie afin d’aligner la législation sur les normes internationales, certains acteurs estiment que la loi devrait favoriser davantage la consolidation dans le secteur bancaire. D’après un rapport publié en mars par l’APTBEF, le capital minimum devrait pouvoir être ajusté aux conditions du marché, sans quoi les niveaux définis risquent de devenir désuets compte tenu de l’évolution du secteur.
Parallèlement, les acteurs du secteur préconisent une professionnalisation continue de la BCT, idée soutenue par un programme de jumelage financé par l’Union européenne entre la BCT et la Banque de France afin de moderniser le cadre opérationnel de la politique monétaire de la BCT.
Début 2016, l’Assemblée des représentants du peuple avait voté pour une indépendance accrue de la banque, et souhaitait limiter le rôle de ses dirigeants sur la scène politique régionale et nationale lors de leur mandat.

Des réformes structurelles

Ces changements réglementaires s’inscrivent dans un éventail plus vaste de réformes voulues par les autorités afin de résoudre les problèmes structurels du système bancaire.
La Tunisie a tout particulièrement pris des mesures visant à réduire le ratio des prêts non performants qui s’établissait à près de 16 % en mars 2015, soit le taux le plus élevé des pays du sud et de l’est de la Méditerranée.
Cette situation s’explique notamment par la dégradation des prêts dans le secteur public. En effet, les trois banques publiques – Société de banque tunisienne (STB), Banque nationale agricole (BNA) et Banque de l’habitat (BH) – détiennent environ 38 % des actifs bancaires et représentent une part importante des prêts non performants. Par exemple, fin 2014, la STB affichait un ratio de solvabilité de -5,17 % et la part de ses prêts non performants s’élevait à 29,1 % en juin 2015.
L’an dernier, le gouvernement a restructuré les banques publiques afin de réduire leur exposition aux risques : l’Etat a ainsi injecté les sommes de 756 millions de dinars (309,3 millions d’euros) et de 110 millions de dinars (45 millions d’euros) à la STB et à la BH respectivement. Des pourparlers sur la recapitalisation de la BNA sont toujours en cours.
Malgré ces mesures, le capital des banques publiques demeure inférieur aux moyennes affichées par le secteur privé. L’année dernière, l’agence Moody avait estimé que les prêts non performants de la STB représentaient toujours 118 % des capitaux propres et des réserves pour créances douteuses, laissant craindre une nouvelle recapitalisation.

Un bon élève

La recapitalisation et les réformes visant à réduire le déficit de liquidités des banques – la BCT a injecté 5,1 milliards de dinars (2,1 milliards d’euros) en 2015 et a proposé des mesures afin que toutes les banques atteignent un taux de liquidité de 90 % d’ici à 2018 – semblent porter fruit et ont été saluées par les observateurs externes.
Le Fonds monétaire international (FMI), qui a félicité le gouvernement tunisien, a annoncé qu’il approuvait un accord élargi portant sur un montant de 2,9 milliards de dollars et qu’il surveillerait de près les réformes économiques mises en œuvre.
« Il convient de saluer l’adoption d’une législation essentielle concernant le secteur bancaire. Des mesures supplémentaires sont nécessaires pour restructurer les banques publiques et renforcer le cadre de résolution et de supervision bancaires. Le développement des bureaux de crédits et le déplafonnement des taux des prêts permettront d’élargir l’accès aux financements », a annoncé le FMI en mai dernier.

ARTICLES SIMILAIRES

Actualités Banque

Banques africaines : la BEA et la BNA parmi les 15 premières du continent

Deux banques publiques algériennes figurent désormais parmi les poids lourds du continent. La BEA et la BNA intègrent le Top 15 du classement 2025 des plus grandes banques africaines établi… Lire Plus

finance islamique
Actualités Banque

Finance islamique : un marché à 6 000 milliards $ où l’Algérie veut sa part

La finance islamique poursuit sa montée en puissance. Selon le Islamic Finance Development Report 2025, publié conjointement par l’ICD (Société islamique pour le développement du secteur privé, filiale du groupe… Lire Plus

Actualités Banque

À Washington, la Banque d’Algérie alerte sur la vulnérabilité des exportateurs d’hydrocarbures

Lorsque le gouverneur de la Banque d’Algérie alerte, à Washington, sur la vulnérabilité des pays exportateurs de la région MENA, c’est implicitement le cas algérien qu’il met en miroir. En… Lire Plus

Algérie Assurances

La BNA ouvre ses guichets aux assurances de la SAA

Un nouveau modèle de distribution des produits d’assurance prend forme dans le réseau bancaire algérien. La Société nationale d’assurance (SAA) et la Banque nationale d’Algérie (BNA) ont officialisé, dimanche, le… Lire Plus

Banque Finances

Banques : six entreprises sur sept restent exclues du crédit, selon Finabi

Le cabinet estime que seules 13 % des entreprises et des ménages ont accès au crédit, un déficit structurel qui révèle la déconnexion entre le système financier et l’économie réelle…. Lire Plus