L’usine GEAT de Batna s’est invitée dans la cour des grands en exportant ses premières turbines en 2021. Depuis, les commandes s’enchaînent. Dans un marché mondial sous tension, où la demande dépasse largement les capacités de production, la coentreprise algéro- américaine parvient à se frayer une place parmi les acteurs dominants.
Le contexte joue en faveur du pays. Le marché international traverse une période de tension inédite. Cette année, la demande devrait atteindre 60 gigawatts, soit une hausse de plus de 34 %, un record depuis une décennie, selon un rapport de la plateforme Attaqa. À titre de comparaison, les capacités de production mondiales tournent autour de 70 gigawatts. Dit autrement, il manque de la marchandise, les délais s’allongent et les prix grimpent.
Ce marché oligopolistique est contrôlé par 25 géants industriels répartis dans 40 usines planétaires. Mais avec une demande qui explose, il y a de la place pour de nouveaux venus, à condition d’avoir le savoir-faire et les appuis qu’il faut.
L’Arabie Saoudite prend la main régionale
L’Arabie Saoudite n’a pas attendu. Dès 2016, Riyad lançait son projet d’assemblage local de turbines chez Siemens Energy à Dammam, issu d’un accord datant de 2011 avec Aramco et Saudi Electricity Company. Un premier pas vers l’autonomie énergétique et industrielle.
Le vrai changement s’est manifesté en juillet 2024 avec l’inauguration de l’usine de GESAT, coentreprise entre General Electric et le fonds saoudien Djoussur. Cette fabrique peut sortir entre 8 et 10 turbines par an, ce qui place d’emblée GESAT parmi les dix premiers producteurs mondiaux. Djoussur a même renforcé l’arsenal en 2017 en créant un centre de maintenance complet pour les turbines Mitsubishi Hitachi Power Systems, destiné à couvrir toute la région.
L’Algérie entre en production
L’Algérie suit une trajectoire similaire, mais en démarrage plus tardif. En 2014, Sonelgaz s’associe à General Electric pour créer GEAT -General Electric Algeria Turbines -basée à Aïn Yagout, dans la wilaya de Batna. L’installation occupe une vingtaine d’hectares et s’organise autour de quatre unités : fabrication de turbines à gaz (100 à 300 MW), turbines à vapeur (50 à 160 MW), générateurs électriques et systèmes de contrôle.
L’usine a franchi un vrai seuil en 2021 en exportant ses deux premières turbines vers le Moyen-Orient- une première africaine. Ces deux machines doivent permettre de générer quelque 500 MW. La confiance des acheteurs semble au rendez-vous : en août 2022, Batna expédie une turbine aux Pays-Bas pour 1,375 million de dollars.
Depuis, le carnet de commandes s’étoffe. En 2024, GEAT conclut un accord pour augmenter ses capacités de production. En avril 2025, Sonelgaz et GE signent de nouvelles lettres d’intention avec un client moyen-oriental. Plusieurs pays africains sont en pourparlers.
Un œil tourné vers la Syrie
L’Algérie ne cache pas ses ambitions régionales. La Syrie, engagée dans la reconstruction de son infrastructure électrique, représente un marché potentiel. Pour l’heure, aucune négociation officielle n’est lancée, mais les milieux industriels affirment que la capacité algérienne est prête à honorer une grosse commande dès que les conditions politiques et financières s’y prêteront.
L’atout algérien ? Deux choses qui comptent beaucoup en ce moment : des prix qui ne s’envolent pas et une qualité reconnue aux standards internationaux. Chose qui est rare dans ce secteur où les délais s’allongent et les tarifs explosent.





