Un mouvement de baisse des tarifs de location dans le balnéaire a été noté dans la dernière semaine de juillet. À Tigzirt, les propriétaires de cabanons ont déjà revu leurs tarifs à la baisse. « On nous proposait 14 000 DA la nuitée début juillet, maintenant c’est 10 000 DA, négociable », témoigne un habitué de la côte kabyle. Même tendance à Aïn El Turk, près d’Oran : les bungalows, prisés jusqu’à mi-juillet, peinent désormais à trouver preneur pour Août aux tarifs affichés. En cette fin juillet, période d’ordinaire marquée par une forte affluence, le marché balnéaire algérien montre ses premiers signes d’essoufflement.
Un coup de vent qui gâche la saison ?
Premier élément mis en cause : la météo. Depuis le 25 juillet, un vent d’Est persistant balaie les côtes algériennes. Les températures, plus douces, sont appréciées, mais la mer agitée a rendu de nombreuses plages dangereuses. Le weekend dernier, plusieurs dizaines de noyades ont été recensées, et le prochain s’annonce tout aussi compromis, avec des drapeaux rouges attendus sur une grande partie du littoral.
Ces conditions météorologiques exceptionnellement défavorables expliquent en partie la baisse de fréquentation, mais pas totalement. « Nous ne sommes quand même pas dans le cas de 1995, lorsque la côte Dalmate est restée coincé sous là pluie pendant dix jours » rassure un propriétaire d’Hotel à El Kala qui se souvient de cette épisode très rare en Méditerranée. Sur la rive sud, les séquences de fort vent d’Est et de mer démontée, aussi gênants soientils, dépassent rarement une semaine. Ils ne suffisent pas à eux seuls à déséquilibrer toute une saison. D’autres facteurs, plus structurels, pèsent sur la demande.
Les 750 euros changent la donne
Depuis le 20 juillet, l’allocation touristique de 750 euros par voyageur redistribue les cartes. Non pas parce qu’elle crée un nouveau « droit aux vacances », mais parce qu’elle renforce le pouvoir d’achat des familles à l’étranger. Au taux officiel, ce montant permet de couvrir une large part des dépenses en Tunisie, où une semaine devient soudain plus accessible et plus confortable, sans passer par le change parallèle défavorable au dinar.
Résultat : de plus en plus de familles choisissent de franchir la frontière. « Avec les 750 euros, on couvre la majorité des frais en Tunisie. C’est plus intéressant que payer un cabanon en Algérie », explique un père de famille rencontré dans une agence bancaire à Alger. Les propriétaires locaux n’avaient pas anticipé cette bascule : annulations et logements vides se multiplient.
Le balnéaire algérien face à ses propres excès
La mini- crise qui se dessine reflète aussi les limites d’un modèle économique fragile. Les prix ont flambé : louer un cabanon ou passer une journée à la plage coûte désormais très cher. Pour une famille de quatre personnes, il faut compter en moyenne 10 000 DA par jour uniquement pour l’accè balnéaire (stationnement, parasols, chaises, boissons, glaces, jeux pour enfants). Cela représente environ 45 % du SMIG, sans compter les repas que la plupart préfèrent apporter de chez eux.
Durant les étés 2021 et 2022, la fermeture des frontières liée au Covid19 avait gonflé artificiellement la demande locale : les familles n’avaient pas d’alternative. Mais depuis, l’inflation a rogné le pouvoir d’achat, et une offre jugée trop chère et parfois médiocre ne fait plus le poids face à une concurrence étrangère redevenue accessible.
Cet été pourrait ainsi marquer un tournant. Soutenue, par moment, par une clientèle captive, l’industrie balnéaire algérienne est désormais contrainte d’ajuster ses prix et ses pratiques. Faute d’adaptation, elle risque de voir une partie de ses vacanciers s’échapper vers des destinations mieux organisées et plus abordables.