Depuis plusieurs jours, Natixis Algérie procède à des fermetures de comptes qui surprennent sa clientèle par leur soudaineté. Cette opération s’inscrit dans un durcissement réglementaire aux implications qui dépassent le cadre purement bancaire.
La nouvelle législation anti-blanchiment entrée en vigueur en juillet dernier bouleverse les pratiques du secteur bancaire algérien. Natixis Algérie, filiale du groupe français BPCE opérant sous l’enseigne Banxy Bank, procède depuis plusieurs jours à des fermetures de comptes en masse, révélant les tensions entre conformité réglementaire et relation client.
Cette restructuration forcée intervient alors que l’Algérie cherche à sortir de la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI), qui recense les juridictions présentant des déficiences stratégiques en matière de lutte contre le blanchiment. La Banque d’Algérie impose désormais aux établissements financiers une traçabilité renforcée des flux, contraignant les banques à revoir leurs procédures de due diligence.
Nos sources au sein de Natixis confirment que ces mesures résultent d’une application stricte des nouvelles exigences de surveillance. “La Banque d’Algérie a identifié des schémas transactionnels atypiques : ouvertures multiples de comptes suivies d’opérations ponctuelles avant migration vers d’autres établissements”, explique un cadre sous couvert d’anonymat.
Cette stratégie de “nomadisme bancaire” est désormais scrutée par le régulateur comme potentiellement liée à des activités de blanchiment ou de contournement réglementaire, poussant Natixis à “inviter” les clients concernés à se tourner vers d’autres banques.
Une exécution brutale qui fragilise la confiance
Sur LinkedIn, les témoignages se multiplient et révèlent une approche particulièrement brutale. Un client, déposant depuis 2020, décrit un processus expéditif : notification électronique de rupture de relation bancaire sans préavis, invocation d’un article contractuel générique, et blocage immédiat des accès numériques.
Les détails rapportés sont révélateurs des tensions opérationnelles : “Plus d’accès à mon argent la veille d’un voyage, application bloquée, clôture imposée en urgence”. Lors d’une rencontre avec la direction locale, les explications demeurent évasives, le blocage informatique étant qualifié de “coïncidence” tandis que la fermeture est présentée comme “inévitable”.
Un second témoignage, recueilli par Maghreb Emergent auprès d’un expatrié, confirme cette approche systémique. Malgré des “mouvements réguliers” sur son compte, ce client s’est vu notifier par courriel une procédure de fermeture sans justification substantielle, accompagnée du conseil d’ouvrir un compte concurrent pour récupérer ses avoirs.
La suspension des cartes Visa constitue le volet le plus contraignant de cette offensive réglementaire, même si certains clients bénéficient d’une réactivation temporaire pour faciliter les opérations de clôture.
Cette gestion pour le moins brutale soulève des questions sur l’équilibre entre exigences de conformité et préservation de la relation bancaire. Si l’objectif d’assainissement des circuits financiers répond à une nécessité géopolitique – l’Algérie aspirant à réintégrer les standards internationaux-, les méthodes employées risquent d’éroder durablement la confiance des déposants.
Pour Natixis Algérie et ses concurrents locaux, cette transition réglementaire représente un test de capacité d’adaptation. Les établissements doivent désormais concilier vigilance accrue sur les transactions suspectes et maintien d’une qualité de service acceptable, sous peine de voir leur clientèle migrer vers des juridictions plus accommodantes.