La crise diplomatique entre Alger et Paris s’invite désormais dans le quotidien de milliers d’Algériens. Depuis des semaines, les guichets numériques de Capago, prestataire officiel des visas français, affichent complets.
Résultat : une paralysie quasi-totale pour les voyageurs algériens, piégés entre blocages administratifs et marché noir des rendez-vous. Mais alors que la France se ferme dans un climat de crise, l’Italie de Giorgia Meloni apparaît comme une alternative pragmatique, offrant de nouvelles perspectives de mobilité et d’emploi.
Capago saturé : le visa français devenu parcours du combattant
Depuis l’été 2025, obtenir un rendez-vous pour un visa français en Algérie relève de l’exploit. Le calendrier Capago est saturé jusqu’en octobre, paralysant des milliers de demandes. Familles, hommes d’affaires, étudiants : tous voient leurs projets suspendus à une file d’attente numérique verrouillée.
Dans un communiqué publié début septembre, l’ambassade de France à Alger a reconnu des “contraintes techniques et une forte affluence saisonnière”, en appelant à anticiper les demandes “au moins deux mois à l’avance”. Mais ces explications laissent sceptiques. Sur le terrain, la pénurie alimente un marché noir florissant, où un simple rendez-vous se négocie parfois à plus de 100 000 dinars.
Derrière ces difficultés administratives transparait l’ombre du conflit diplomatique. Depuis la suspension par Paris de l’exemption de visas pour certains passeports diplomatiques algériens, les relations se sont envenimées. Tandis que la France durcit ses procédures, Alger dénonce un “chantage” qui pénalise directement les citoyens ordinaires.
Une France fragilisée, un climat hostile aux étrangers
Ce blocage s’inscrit dans un contexte français marqué par la crise. En 2025, la croissance plafonne à 0,6% et le chômage remonte à 7,7%. Les faillites d’entreprises s’accumulent, la dette dépasse 110% du PIB, et plus de 80% des Français se déclarent pessimistes quant à l’avenir économique.
Dans ce climat, le discours politique s’est durci. L’extrême droite, en progression, agite la peur des étrangers, souvent désignés comme responsables des tensions sur l’emploi et les services publics. Sous pression, le gouvernement multiplie les refus de visas, accentuant un climat de défiance.
Or, rappellent les économistes, les causes de la crise française sont structurelles : fiscalité lourde, faible investissement privé, chômage élevé des jeunes, désindustrialisation… Cibler les étrangers revient à détourner le regard des véritables défis. Mais pour les Algériens demandeurs de visas, la conséquence est claire : un environnement défavorable, marqué par l’incertitude et le rejet.
L’Italie, nouvel horizon pour les Algériens
Face à ces blocages, beaucoup d’Algériens réorientent désormais leurs projets vers l’Italie. Depuis 2021, Rome a classé l’Algérie parmi les “pays sûrs”, simplifiant les procédures et multipliant les opportunités.
Le “Decreto Flussi”, adopté en 2023 puis élargi, ouvre chaque année plus de 180 000 postes à des travailleurs étrangers, dont les Algériens sont parmi les principaux bénéficiaires.
Les centres VFS Global, chargés du traitement des visas italiens en Algérie, offrent des démarches plus accessibles et rapides que leurs homologues français. En outre, l’Italie affiche un taux d’acceptation bien plus favorable, notamment pour les secteurs en tension : agriculture, construction, tourisme et services.
Meloni et l’économie italienne : entre pragmatisme et besoin de main-d’œuvre
Officiellement, Giorgia Meloni maintient un discours ferme sur l’immigration irrégulière. Mais dans les faits, l’Italie, confrontée au vieillissement de sa population et à un déficit structurel de main-d’œuvre, se tourne vers l’immigration légale.
Le gouvernement prévoit ainsi près de 500 000 visas de travail entre 2026 et 2028, dont environ 165 000 dès 2026. Les Algériens, déjà bien implantés et appréciés pour leur qualification et leur adaptabilité, bénéficient de cette politique bilatérale renforcée.
Ce pragmatisme économique contraste fortement avec la crispation française. Pour de nombreux Algériens, l’Italie devient une alternative crédible, légale et durable.
France fermée, Italie ouverte : deux visions opposées
Le blocage des visas français dépasse la simple affaire administrative : il reflète l’état d’une relation diplomatique fragilisée et d’un climat politique pesant. Entre files d’attente saturées, rendez-vous au marché noir et refus massifs, la France semble se fermer aux Algériens.
À l’inverse, l’Italie, portée par ses besoins économiques et une croissance modérée mais stable, ouvre ses portes avec pragmatisme. En alignant sa politique migratoire sur ses impératifs économiques, Rome offre une issue concrète aux Algériens en quête d’avenir de l’autre côté de la Méditerranée.