Alger ferait preuve de laxisme dans le contrôle des sorties migratoires clandestines vers l’Espagne afin d’obtenir plus de souplesse de Madrid en matière de délivrance des visas aux citoyens algériens. Tel est, en substance, le contenu d’un article du média espagnol The Objective, connu pour sa ligne conservatrice et critique envers le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez.
L’auteur de l’article, Antonio Rodríguez, cite des sources diplomatiques non identifiées qui avancent que l’Algérie exercerait une forme de pression migratoire sur l’Espagne afin d’accélérer la délivrance de visas à ses ressortissants. Selon l’auteur, la hausse de 120 % des arrivées clandestines vers les îles Baléares depuis le début de l’année — soit plus de 4 500 personnes — serait liée à un relâchement volontaire des contrôles migratoires algériens. Cette interprétation suscite des doutes, la période estivale étant en général un moment de rush des tentatives d’accéder au territoire espagnol.
Les visas, un vrai problème
Elle pourrait aussi s’inscrire dans le contexte d’un climat politique espagnol très polarisé, où les partis de droite utilisent pratiquement tous les sujets, des questions migratoires aux feux de forêts, pour critiquer l’exécutif. La présidente des Baléares, Marga Prohen (Parti Populaire – droite), a multiplié les déclarations alarmistes au sujet des arrivées illégales à partir de l’Algérie. Elle a dénoncé l’absence de réaction du gouvernement socialiste de Pedro Sánchez : « Nous ne savons plus comment le dire ; nous nous sentons totalement insultés par l’exécutif et le PSOE », a-t-elle déclaré.
The Objective, sans citer de sources, évoque le « mécontentement » du gouvernement algérien face aux lenteurs des consulats espagnols à Alger et Oran dans le traitement des demandes de visa. Aucune déclaration officielle en ce sens n’a été enregistrée. Mais, comme l’a montré un article récent de Maghreb Emergent, le « marché » des rendez-vous de visa vers l’Espagne a atteint des sommets. Obtenir un créneau au centre BLS coûte jusqu’à 100 000 dinars algériens pour une première demande, une somme considérable rapportée au salaire moyen ou au coût de la vie en Algérie. Les renouvellements de visa oscillent entre 35 000 et 85 000 dinars. Cette pratique est en théorie illégale, mais les rendez-vous officiels, extrêmement rares, alimentent un commerce parallèle florissant, où des intermédiaires et agences spécialisées tirent profit de la pénurie pour imposer leurs tarifs.
Polarisation en Espagne
Le problème est réel, mais rien n’indique que les autorités algériennes jouent sur le levier de la migration pour exiger plus de « souplesse » en matière de délivrance de visa. Surtout que l’article de The Objective intervient alors que les relations entre Alger et Madrid semblent amorcer une phase de normalisation. L’embargo commercial décrété en 2022, à la suite du revirement espagnol sur le Sahara occidental, a été levé en novembre dernier et les échanges économiques reprennent progressivement.
Il ne faut donc pas occulter le contexte politique espagnol, où la droite médiatique et institutionnelle multiplie les attaques contre le gouvernement de Pedro Sánchez. L’article de The Objective semble s’inscrire dans cette logique en interprétant les flux migratoires comme un levier diplomatique.