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Maghreb

Visite d’Angela Merkel à Alger : La coopération économique aurait été bien meilleure sans la règle du 51/49% (Opinion)

Par Saïd Djaafer
19 février 2017

 

 Mme Angela Merkel sera en visite demain à Alger. Les aspects sécuritaires – notamment la question des clandestins en Allemagne – seront au menu. Mais quid de la relation économique? Le Pr Mebtoul fait un tour d’horizon et explique la règle du 51/49% appliqués aux IDE est dissuasive pour les PME qui « colonne vertébrale de l’économie allemande ».

 

La chancelière allemande Angela Merkel, prônant  une coopération plus étroite avec les pays d’Afrique du Nord pour limiter les mouvements de réfugiés à travers la Méditerranée, entend obtenir, à l’occasion de cette visite,  plus de garanties d’Alger pour l’accélération du processus de rapatriement des ressortissants algériens en situation irrégulière en Allemagne. Mais les relations économiques et la situation de sécurité dans la région seront également abordées.

 Pour rappel, la visite du 12 janvier 2016 du premier ministre algérien Abdelmalek Sellal, s’est inscrite, outre les aspects sécuritaires, dans le cadre de la consolidation de la coopération économique entre l’Algérie et l’Allemagne.  La commission mixte algéro-allemande mise sur pied en 2010, suite à la visite du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à Berlin, est conçue dans cette logique.

 La vie politique allemande est traditionnellement dominée par deux grands mouvements, la CDU-CSU (l’union démocrate-chrétienne de Mme Merkel et son alliée bavaroise, l’union sociale chrétienne) et le SPD (parti social-démocrate). La diplomatie allemande s’efforce de développer une position équilibrée dans son dialogue avec le monde arabo-musulman.

 Présentes dans plusieurs Etats de la région, les fondations politiques proches des grands partis allemands jouent un rôle important dans cet effort de dialogue avec l’ensemble des mouvements politiques locaux.  Actuellement, la crise migratoire et la situation au Proche-Orient préoccupent conjointement la Turquie (premier pays d’accueil des réfugiés syriens, qui sont 2,5 millions sur son sol) et l’Allemagne, (premier pays d’accueil de l’Union européenne). Le dialogue autour de cette question, pour lequel l’Allemagne s’est fortement impliquée, a permis de trouver un accord entre l’Union européenne et la Turquie, qui vise à réduire de manière pérenne le nombre de personnes cherchant l’asile en Europe.

 

Reposant sur trois piliers centraux (chambres de commerce bilatérales, agence de promotion Germany Trade and Invest, et conseillers économiques des ambassades), la diplomatie économique menée par Berlin se traduit par une forte attention portée aux grands pays émergents.

 

Quid des perspectives de la coopération algéro-allemande ?

 

 

 Stefan Kapferer, le secrétaire d’État au ministère fédéral de l’Économie et de l’Énergie de la République fédérale d’Allemagne et coprésident de la Commission économique mixte entre l’Allemagne et l’Algérie, a souligné dans un article publié dans le journal Liberté que les deux pays entretiennent de bonnes relations.

 « Nous sommes conscients de l’importance politique de l’Algérie dans le monde arabe et en Afrique. L’Algérie est un partenaire politique majeur et fiable de l’Europe, par exemple dans les domaines de la sécurité, de la stabilité régionale et de notre lutte commune contre le terrorisme qui font, depuis de longues années, l’objet d’une coopération étroite et confiante entre nos pays.  En outre, l’Algérie compte parmi les plus grandes économies nationales de l’Afrique. Elle se situe à l’interface du monde occidental, du monde oriental et du monde africain, et relie ainsi, de par sa position géographique, les marchés de l’Europe, de l’Afrique et du monde arabe ». 

Il a fait valoir que plus 220 entreprises allemandes exercent leur activité en Algérie et qu’un grand nombre d’entre elles sont particulièrement actives dans le domaine de la formation et de l’emploi de jeunes Algériens.

 

Que disent les chiffres ?

 

Le volume des échanges bilatéraux entre l’Algérie et l’Allemagne a enregistré en 2014 environ 5,1 milliards d’euros et il n’a pas connu d’évolution notable entre 2015/2016. L’Allemagne a importé de l’Algérie pour un montant de 2,5 milliards d’Euros (principalement du pétrole) et a exporté pour un montant d’environ 2,6 milliards d’Euros vers l’Algérie.

 Selon l’agence Reuters et le site d’informations allemand, « Deutsche Welle », (information à confirmer) il y aurait eu la signature d’un important contrat d’armement entre l’Algérie et l’Allemagne. Les exportations en armement de l’Allemagne à destination de l’Algérie auraient atteint durant la période de janvier à septembre 2016 plus de 4,029 milliards d’euros.

 Au cours de l’année 2015, l’essentiel des échanges extérieurs de l’Algérie reste toujours polarisé sur les partenaires traditionnels. En 2015 la Chine avec 8,22 milliards de dollars, la France 5,42, l’Italie 4,82, l’Espagne 3,93 et l’Allemagne 3,38 milliards de dollars.

 Pour les fournisseurs selon les statistiques du CNIS n’apparait aucun montant Pour les onze premiers mois de 2016, les données des Douanes indiquent 42,78 mds usd d’importations de biens non inclus   les services. 

 L’Italie a préservé sa place traditionnelle en tant que premier client de l’Algérie au cours des onze premiers mois 2016, en absorbant 4,41 mds usd des exportations nationales, soit 17,24% des exportations globales algériennes durant cette période. Elle est suivie de l’Espagne, de la France des Etats-Unis et du Canada qui ont importé pour des montants respectifs de 3,24 mds usd (12,67%), 2,95 mds usd (11,53%), 2,79 mds usd (10,9%) et 1,25 milliard usd (4,91%). Paradoxalement l’Allemagne n’apparait pas dans cette rubrique des exportations algériennes, le montant étant certainement dérisoire.

 Pour ce qui est des importations, la Chine reste en tête des pays fournisseurs de l’Algérie avec 7,7 mds usd, ce qui représente 18,01% des importations globales algériennes entre janvier et novembre.  La France suit avec 4,37 mds usd (10,22%), l’Italie avec 4,26 mds usd (9,96%), de l’Espagne avec 3,29 mds usd (7,71%) et de l’Allemagne avec 2,7 mds usd (6,34%).

 

Quelles sont les perspectives de coopération?

 

Plusieurs domaines de coopération ont été identifiés, mais les opérateurs allemands sont peu attirés par l’investissement en Algérie, tant le cadre réglementaire n’est pas vraiment en leur faveur. 

Selon maintes déclarations des opérateurs et autorités allemandes, la règle 51/49, appliquée aux investissements étrangers, ne distinguant pas nettement secteurs stratégiques et secteurs non stratégiques ont fait fuir les entreprises allemandes notamment les PMI/PME à l’instar d’ailleurs de nombre d’autres pays.

Or les quelque 4400 entreprises de gouvernance familiale que compte l’Allemagne forment la colonne vertébrale de l’économie allemande, sans compter l’importante diaspora évalue à environ, quelque 30 000 Algériens en Allemagne, plutôt «bien intégrée».

 Environ 220 sociétés d’Outre- Rhin sont implantées en Algérie et emploient quelque 2000 personnes.   Elles évoluent dans différents secteurs d’activité entre autres l’énergie, les services, l’hydraulique, le transport et les technologies de la construction et le développement des énergies renouvelables dont l’Allemagne a une grande expérience.

 L’Algérie importe essentiellement de ce pays des équipements mécaniques, électriques, sidérurgiques, des véhicules et des produits chimiques et des graisses. Les exportations algériennes sont, à l’inverse, constituées essentiellement des hydrocarbures (pétrole et gaz) et dérivés.

 Malgré ces échanges minimes loin des potentialités, la volonté politique « partagée » par les deux capitales et leurs intérêts économiques et géostratégiques respectifs, reste, malgré la crise économique et financière mondiale, favorables au renforcement des échanges économiques et de la coopération bilatérale dans plusieurs secteurs porteurs.

 L’Algérie, bien qu’existe plusieurs options, accorde pour les prochaines années la priorité aux énergies renouvelables. Aussi, parallèlement dans le cadre d’un partenariat gagnant/gagnant dans divers domaines en intégrant l’accumulation du savoir-faire technologique et managérial des algériens, on pourrait aboutir à la conclusion de contrats de coopération avec des entreprises algériennes dans d’autres filières où l’Algérie a un avantage comparatif mondial. Et où l’Allemagne par un partenariat gagnant/gagnant pourrait utiliser ses réseaux de commerces internationaux, car nous sommes à l’ère de la mondialisation.

 Les Allemands qui n’ont pas de contentieux historique avec l’Algérie, privilégiant le pragmatisme et connus pour leurs franchises ont fait savoir récemment au gouvernement algérien qu’ils étaient prêts à intensifier la coopération mais que les dernières mesures gouvernementales de l’Algérie notamment les 49/51% étaient contre-productifs.

 Il appartient aux Algériens de lever les obstacles à la mise en œuvre des affaires, ce qui suppose de profondes réformes structurelles, une bonne gouvernance et une visibilité et cohérence de la politique socio- économique du gouvernement.  Sous ces réserves, dans la pratique des affaires n’existant pas de sentiments, la coopération algéro-allemande pourrait s’intensifier dans le cadre du respect mutuel.

 

 (*)Professeur des Universités, expert international

 ademmebtoul@gmail.com

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