« Nous n’avons rien vu venir et nous espérons ne rien voir venir », a déclaré, dimanche, le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, dans un commentaire sur l’adoption par l’Assemblée nationale française d’une résolution appelant à dénoncer l’accord migratoire franco-algérien de 1968. Alors que des signes ténus d’une reprise du dialogue entre Alger et Paris semblent s’esquisser, le ministre algérien a explicitement choisi de ne pas se laisser entrainer dans un jeu électoraliste français où l’extrême droite, héritière de l’OAS, fait de feu de tout bois.
« Très sincèrement, j’ai beaucoup de respect pour l’Assemblée nationale française, mais lorsque j’ai vu ce vote (…), la première pensée qui m’est venue à l’esprit [a été] “la course à l’échalote se poursuit” », a-t-il déclaré.
En clair, l’interlocuteur de l’Algérie, c’est le gouvernement français et non le jeu politicien qui se déroule au sein de l’Assemblée française où le vote a été le révélateur que l’alliance entre une droite “républicaine” et l’extrême droite n’était plus une simple hypothèse. Le ton mesuré de Attaf s’accompagne également d’un message ferme en direction de l’exécutif français : “nous espérons ne rien voir venir”.
L’affaire est franco-française, mais elle cessera de l’être si le gouvernement français donne suite à la résolution en allant vers une dénonciation unilatérale, en allant vers le “bras de fer” que le nouveau ministre de l’Intérieur français juge contreproductif.
« Ceux qui font croire aux Français que le bras de fer et la méthode brutale sont la seule solution, la seule issue, se trompent. Ça ne marche pas, dans aucun domaine », a déclaré M. Laurent Nuñez dans un entretien au Parisien, ajoutant qu’il regrettait « les conditions dans lesquelles s’est déroulé ce vote ». « Preuve » de l’inefficacité de cette méthode, « le canal est totalement coupé aujourd’hui avec Alger », a-t-il ajouté.
Attaf est sur la même longueur d’ondes de modération. « Sur le fond, cette affaire est une affaire entre l’Assemblée nationale française et le gouvernement français. C’est une affaire intérieure, c’est une affaire franco-française. Elle ne nous concerne pas pour le moment », a déclaré le chef de la diplomatie algérienne.
Un révélateur des tensions franco-françaises
M. Attaf a toutefois précisé que cela “pourrait nous concerner si ça devient une affaire de gouvernement à gouvernement, parce que l’accord de 1968 est un accord international”. Il a relevé que le “gouvernement français ne nous a rien dit à ce sujet et donc, sur le fond, nous ne réagissons pas.” Alger a donc fait le choix de ne pas accorder d’importance à la résolution du Rassemblement national et d’éviter d’aller vers l’escalade alors que les conditions d’un retour au dialogue semblent possibles.
Tout en restant mesuré, M. Attaf s’est livré à une critique implicite du climat politique français, fortement marqué par une algérophobie entretenue par les médias et une partie de la classe politique, et notamment le Rassemblement national. “Très sincèrement, j’ai beaucoup de respect pour l’Assemblée nationale française, mais lorsque j’ai vu ce vote, la première pensée qui m’est venue à l’esprit a été : ‘la course à l’échalote se poursuit’”, a-t-il lancé, reprenant une expression populaire pour dénoncer la surenchère politique autour des questions migratoires.
Ce constat s’inscrit dans une critique plus large de l’instrumentalisation de la relation franco-algérienne à des fins partisanes en France. Aux yeux d’Alger, la résolution adoptée – non contraignante et symbolique – illustre davantage les tensions politiques internes françaises que la volonté d’une refonte réelle de la coopération bilatérale.





