Les autorités algériennes n’ont pas réagi à l’adoption, le 30 octobre 2025, par l’Assemblée nationale française, d’une résolution portée par le Rassemblement national visant à dénoncer les accords franco-algériens de 1968. Ce silence n’est pas surprenant. La résolution n’a pas de portée juridique contraignante. Elle n’affecte pas directement les accords, déjà qualifiés de “coquille vide” par le président Abdelmadjid Tebboune. L’Algérie ne serait concernée que si l’exécutif français décidait de s’engager dans une dénonciation unilatérale.
Mais, ce texte, adopté à une voix près, en raison de l’absentéisme — assumé — des députés macronistes, mais également de nombreux élus de gauche, dont ceux de La France insoumise, dit surtout quelque chose de l’état politique de la France. Dans la recomposition en cours du paysage parlementaire, l’Algérie se retrouve, une fois de plus, utilisée comme levier dans une bataille intérieure.
Une digue rompue
Les héritiers lepénistes de l’OAS, qui ont jadis tenté d’assassiner le général de Gaulle, sont désormais en passe d’absorber la droite dite “républicaine”. Ce basculement n’est pas seulement symbolique. Jusqu’ici, le Rassemblement national (ex-Front national) était tenu à l’écart du jeu parlementaire par un « cordon sanitaire » tacite. Ce cordon n’existe plus. Des députés Les Républicains et Horizons ont voté avec l’extrême droite.
Ce vote marque une rupture historique : le RN fait dorénavant adopter ses textes, et l’Algérie devient le terrain d’expérimentation de cette nouvelle influence.
Une hostilité médiatique banalisée
Dans le paysage médiatique français, certains canaux comme CNews diffusent en continu un discours anxiogène et stigmatisant sur l’Algérie et les immigrés. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, reprend à son compte le vocabulaire de l’extrême droite : immigration “incontrôlée”, mémoire coloniale “à réécrire”, “cinquième colonne” franco-algérienne. Même les pensions des retraités algériens — pourtant acquises par le travail et les cotisations — sont désormais présentées comme une “charge” pour l’État. Le nombre de fausses informations sur l’Algérie est considérable et sature l’espace médiatique. Ce climat prépare l’opinion à des mesures de rupture.
Une résolution sans effet direct, mais à forte portée politique
Techniquement, la résolution votée ne modifie ni les accords ni les lois. Mais, elle envoie un signal clair : le débat sur les relations franco-algériennes est dorénavant légitimé par les institutions, et l’extrême droite en fixe les termes. Le Premier ministre Sébastien Lecornu a évoqué la possibilité de “renégocier” les accords. Ce glissement sémantique, du rejet à la renégociation, montre que l’Algérie, une fois de plus, sert de catalyseur à une recomposition politique française.
Ce vote serré (185 voix pour, 184 contre) a mis en lumière un autre malaise : près de 200 députés étaient absents. L’Algérie, dans ce contexte, devient le révélateur d’un dysfonctionnement démocratique.
Un basculement anti-algérien à anticiper
Dans cette affaire, ce n’est pas l’Algérie qui est en débat, mais ce qu’elle représente : la peur de l’Autre, le rejet de l’immigration, le refus de regarder le passé colonial. Dans cette séquence où l’extrême droite est en phase ascendante, l’Algérie devient l’objet d’une manipulation omniprésente dans le débat français. De la guerre d’indépendance aux débats sur les banlieues, du voile à l’immigration, l’Algérie est le nom que la France donne à ses propres angoisses.
Ce vote n’est pas un épiphénomène. Il s’inscrit dans une dynamique de banalisation de l’extrême droite et de durcissement du discours politique français. L’Algérie et les Franco-Algériens, souvent pris pour cibles symboliques, doivent se préparer à une période où l’hostilité pourrait se traduire en actes. Ce basculement, s’il se confirme, aura des conséquences profondes sur les relations bilatérales, mais aussi sur la vie quotidienne de millions de nos concitoyens.
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