Algérie-Face à l’inertie du pouvoir, Nabni revient à la charge avec une réforme clés en main | Maghreb Émergent

M A G H R E B

E M E R G E N T

Algérie

Algérie-Face à l’inertie du pouvoir, Nabni revient à la charge avec une réforme clés en main

Par Yazid Ferhat
17 juin 2015
Le collectif Nabni lors de la présentation du plan d'urgence 2016/2018/ Ph: DR

Le Collectif Nabni a proposé, mardi, un nouveau plan d’action pour engager le pays dans un grand virage économique. Avec des mesures concrètes, devant servir de point de départ à la grande opération de réforme.

 

Face à l’inertie du pouvoir, Nabni revient à la charge. Le groupe de réflexion « Notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées » a présenté, mardi, un plan en douze points pour entamer les réformes nécessaires, celles que « le bon sens impose », indépendamment des orientations politiques du gouvernement en place. Car « que le prix du pétrole soit à 50 ou 100 dollars, cela ne change rien, les problèmes structurels de l’économie algériennes restent les mêmes », souligne Abdelkrim Boudraa, membre du collectif.

Nabni déplore d’ailleurs que le gouvernement n’ait pas entamé le train du changement quand il était possible de le faire « sans contrainte », lorsque le pays bénéficiait d’une aisance financière qui aurait permis d’amortir le choc. Aujourd’hui, le changement se fera « sous la contrainte ». Mais rien n’indique que le gouvernement est prêt à s’y engager, ce qui risque d’amener le pays à tenter le virage « dans des conditions très difficiles ». Interrogé si la réponse du gouvernement a été à la hauteur, Mabrouk Aïb, professeur à l’Ecole polytechnique et membre de Nabni répond, tranché : « La réponse de Nabni est claire. Non », dit-il, ajoutant que ce que fait le gouvernement est « très loin du challenge », et reste « très insuffisant ». Même si Lyas Kerrar, expert financier, met à l’actif du gouvernement une mesure, pas franchement assumée d’ailleurs, la dépréciation du dinar de 20% alors que le pétrole a perdu 40% de son prix.

Se doter des outils du changement

Nabni ne s’explique d’ailleurs pas pourquoi le gouvernement a refusé jusque-là de s’engager sur la voie du changement de cap économique. Certaines mesures proposées n’ont pas d’impact significatif. Bien au contraire, elles permettent de se préparer pour les moments difficiles. Lyas Kerrar insiste ainsi sur la nécessité de se doter des outils nécessaires pour gérer le changement. Le gouvernement peut changer de cap dans les subventions. Il peut subventionner des catégories sociales plutôt que des produits. Mais pour cela, il doit se doter d’une administration en mesure de gérer la situation, dit-il. « Il faut se préparer, pour ne pas être pris au dépourvu ». Si le gouvernement augmente le prix du carburant de cinq ou dix dinars, cela n’aura pas d’impact significatif sur les catégories les plus faibles. Cela poussera juste « à faire attention », dit-il.

Mais Nabni se défend de prôner un cap libéral. L’objectif est, au contraire, de sauver le modèle social algérien, en améliorant ses performances », souligne Abdelkrim Boudraa, pour qui « il ne faut pas subventionner tout et n’importe quoi ». La situation actuelle met le modèle social « en péril ». Si des mesures ne sont pas prises à court et moyen terme, il ne sera plus possible de maintenir les transferts sociaux, dit-il.

Commencer petit…

Le groupe de réflexion estime qu’il faut entamer le changement tout de suite, et propose un mode opératoire. Ce n’est pas une recette, mais un point de départ. Cela peut être sujet à débat, insiste Mabrouk Aïb. C’est un plan sur trois ans, avec des mesures concrètes. On y retrouve des mesures qui font consensus –un choc de simplification administrative, une réforme du système bancaire, la suppression des contrôles à priori et des autorisations qui freinent l’investissement-, mais aussi des mesures plus pointues, tout en tenant compte de la faible capacité d’ingénierie de l’administration actuelle.

Il est « inutile de concevoir des méga-plans d’actions. La capacité de mise en œuvre des réformes est faible », souligne un document de Nabni, qui précise toutefois que cela ne doit pas empêcher de prendre certaines mesures inévitables, comme l’introduction d’un impôt foncier, la « suppression des entraves majeures à l’investissement » et geler les dépenses de fonctionnement sur trois ans.

Mais commencer coûte que coûte

Si Nabni propose d’engager tout de suite un certain nombre d’actions, les plus urgentes, il recommande aussi de s’engager en parallèle dans « les réformes les plus difficiles », pour se donner le temps de les préparer et de les mener dans de bonnes conditions. Privilégier un certain nombre d’actions de court terme ne peut en effet occulter le reste. Il faudra mener le changement dans sa globalité, insiste Abdelkrim Boudraa. A ce sujet, Nabni souligne qu’il est nécessaire de « mener une profonde réforme de la gouvernance des actifs de l’Etat », et de revoir de manière « progressive et différenciée les prix des biens et services subventionnés ».

Lyas Kerrar insiste aussi sur la nécessité de ne plus gaspiller le peu de ressources financières disponibles. Il recommande, par exemple, de ne plus injecter d’argent dans des entreprises publiques déstructurées. « C’est inutile. C’est du gaspillage », dit-il. Il suggère de mener les changements nécessaires dans l’organisation de ces entreprises avant d’essayer de le sauver.

Mais pour l’heure, Nabni insiste d’abord sur la nécessité de s’engager dans le nouveau virage. Comme s’il redoutait la paralysie du gouvernement, il insiste : Abda (commence), souligne le document du groupe, qui ne veut pas baisser les bras face à l’inertie du gouvernement.

ARTICLES SIMILAIRES

Algérie Algérie

Réformes politiques et médias : la vision de Tebboune face aux inquiétudes des partis

Le président Abdelmadjid Tebboune déplore l’absence de débat autour du projet de loi sur les partis politiques qu’il a soumis à discussion, affirmant qu’il ne souhaite pas faire adopter une… Lire Plus

Actualités Algérie

Rentrée scolaire : Statuts et manuels sous le feu des critiques

La rentrée 2025 s’annonce particulière. Derrière le calendrier et les salles de classe, c’est tout un modèle éducatif qui se retrouve questionné : statuts, programmes, manuels et langues sont au… Lire Plus

Á la une Actualités

Controversé mais promu… Saïd Sayoud jouit d’une « confiance spéciale » du Président

Dans une décision inattendue, le président Abdelmadjid Tebboune a surpris en maintenant Saïd Sayoud au gouvernement. Beaucoup l’annonçaient sur le départ, il hérite au contraire de deux ministères stratégiques :… Lire Plus

Actualités Algérie

« La cour constitutionnelle conservatrice sur le code de procédure pénale » (député yagoubi- suite)

2e partie : Lecture constitutionnelle approfondie de la décision n° 02/CC/CS/C/2025 rendue par la Cour constitutionnelle le 16 juillet 2025 concernant la constitutionnalité des articles 78, 187 et 188 du Code de… Lire Plus

Actualités Algérie

La Turquie drague Haftar : un coup d’Ankara au détriment d’Alger ?

Alors que la situation est troublée à l’Ouest, Ankara drague le clan Haftar à l’Est. Au détriment d’Alger ? Tripoli est de nouveau exposée au risque d’un conflit entre milices… Lire Plus