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Rentrée scolaire : Statuts et manuels sous le feu des critiques

Par Mohammed Iouanoughene 20 septembre 2025

La rentrée 2025 s’annonce particulière. Derrière le calendrier et les salles de classe, c’est tout un modèle éducatif qui se retrouve questionné : statuts, programmes, manuels et langues sont au cœur des critiques.

Demain, les élèves reprendront le chemin de l’école après quatre mois de vacances. La date, d’abord fixée au 10 septembre, a été repoussée par le ministère sans explication. Une décision qui a fait réagir, notamment dans le Sud, où parents et enseignants évoquent la chaleur accablante.

Pour la pédagogue Malika Grifou, ce débat sur le calendrier reste secondaire. « Les longues vacances sont utiles, elles permettent aux enfants de se ressourcer », reconnaît-elle. Mais l’essentiel, dit-elle, est ailleurs : « Cette rentrée démarre avec des statuts en complet décalage avec les normes internationales et des manuels qui ne transmettent plus la culture. »

C’est là que se cristallise le malaise : au-delà du jour de rentrée, c’est le modèle éducatif dans son ensemble qui interroge.

Une attention particulière portée à la petite enfance

Ces statuts, jugés « en complet décalage avec les normes internationales », font l’objet de critiques sévères de Mme Grifou, qui développe son point de vue dans un entretien avec Maghreb Émergent. L’article 3 du décret 25-54 précise que les fonctionnaires concernés exercent leurs missions selon les niveaux d’enseignement suivants : l’éducation préparatoire ; l’enseignement fondamental, qui regroupe le primaire et le moyen ; et l’enseignement secondaire général et technologique.

Mais cette classification est-elle conforme aux standards internationaux ? Pour Mme Grifou, « l’éducation préparatoire n’existe pas dans la classification internationale. En revanche, il existe un enseignement préparatoire d’une année, le cours préparatoire (CP), intégré à l’enseignement primaire ».

Elle distingue ainsi deux notions : « L’éducation préscolaire vise le développement global de l’enfant (cognitif, physique). Les activités sont centrées sur le jeu, la découverte et l’exploration du monde », explique l’auteur de l’ouvrage L’école algérienne d’Ibn Badis à Pavlov. Elle ajoute : « Le préscolaire prépare l’enfant à la vie et reste facultatif ».

Concernant l’enseignement préparatoire, il s’agit d’un programme d’apprentissage précoce, axé sur les savoirs académiques. Son objectif est de préparer l’enfant à la lecture, à l’écriture et au calcul.

Des incohérences d’âge pointées

Mme Grifou regrette que la loi d’orientation de 2008 fixe cet enseignement préparatoire à cinq ans, alors que les textes d’application, élaborés par des inspecteurs, le fixent à quatre ans. Elle souligne également que des dérogations d’âge sont fréquemment accordées à des enfants dès l’âge de 3 ans et demi.

Elle cite plusieurs exemples de pays où l’enseignement préparatoire débute plus tard, à l’âge de sept ans — comme en Finlande, en Suède, en Bulgarie, en Slovénie, en Guinée, dans certains pays d’Afrique subsaharienne, en Chine (6 ou 7 ans) et en Corée du Sud — tandis que d’autres, comme l’Afrique du Sud, l’ont fixé à huit ans.

« Souvenons-nous que les élites algériennes du début du XXᵉ siècle avaient en commun d’avoir connu une enfance libre avant d’entrer à l’école. La plupart étaient scolarisées vers huit ans, parfois même plus tard », rappelle Mme Grifou, citant l’exemple de feu le professeur Omar Aktouf, scolarisé à 11 ans, mais devenu une sommité internationale.

Programmes de 2009 : des fondements hérités d’un vieux projet

Cette question de l’âge d’entrée à l’école se rattache directement à la critique plus large des programmes. Le programme dit de « deuxième génération » est qualifié par Mme Grifou de « trouvaille des deux auteurs : un directeur d’un bureau d’ingénierie en Belgique et un fonctionnaire de l’Unesco ». Elle dénonce l’adoption mécanique d’un consensus autour de ce référentiel.

Selon elle, ce programme « dissimule un ancien projet datant de 1947, initialement conçu pour formater l’éducation des enfants dans les pays colonisés, notamment africains. Ce projet, vivement critiqué à l’époque par des intellectuels anticolonialistes et humanistes français, fut rejeté par le Parlement français en 1954 ».

L’éradication de la transmission culturelle

Ces fondements discutables se prolongent dans les manuels scolaires. « Il faut tendre vers une nouvelle génération de manuels », déplore Mme Grifou. Or, selon elle, « aucun système éducatif avancé ne recourt aux manuels de langage pour les tout-petits ou le primaire ». Elle insiste : « La transmission culturelle se fait par le LIVRE (œuvres littéraires, contes, poèmes) et non par des manuels scolaires ».

Elle ajoute : « Une culture ne s’apprend pas comme une leçon : elle s’imprègne, se vit et se partage. L’enfant n’a donc pas besoin d’un « auxiliaire d’apprentissage » ». Elle qualifie le manuel de deuxième génération de « gadget pédagogique » et illustre son propos par des titres du programme officiel européen, tels que Les habits neufs de l’empereur, Le vilain petit canard (Andersen), Le petit chaperon rouge, Le chat botté (Charles Perrault), Le loup et les sept chevreaux (les frères Grimm) ou Le corbeau et le renard (Jean de La Fontaine).

À l’inverse, les manuels scolaires algériens proposent des ouvrages collectifs aux titres génériques comme Méthode pour le préscolaire, Mes premiers pas à l’école préscolaire, Mes premiers apprentissages ou Ma langue fonctionnelle. Mme Grifou remarque qu’« un seul conte expose l’enfant à 1000 ou 2000 mots quotidiens, tandis que le manuel n’offre qu’une cinquantaine de mots nouveaux par an ».

Si M. Benbouzid vante, dans l’ouvrage Réforme de l’éducation et innovation pédagogique en Algérie (Unesco-ONPS, 2006), les auteurs du programme comme « d’éminentes personnalités reconnues dans le domaine de l’éducation », Mme Grifou souligne que ces « experts » imposent à l’Algérie des programmes qu’ils n’appliquent pas eux-mêmes.

Langues : l’anglais gagne du terrain, mais…

Enfin, la rentrée 2025 apporte une autre nouveauté : l’enseignement de l’anglais progresse, tandis que le volume horaire du français diminue.

Mais là encore, la pédagogue reste critique : « Parler d’enseignement de l’anglais est une illusion alors que nous avons tué les langues maternelles », affirme-t-elle, évoquant l’arabe algérien et le kabyle, malgré l’introduction du tamazight.

Selon elle, une commission ministérielle ne peut pas concevoir une langue d’enseignement : « c’est un anglais touristique, un anglais simplifié. Nous sommes en échec sur les langues. L’école actuelle tue la curiosité chez l’enfant », conclut-elle.

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