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Algérie : La crise du BTP amplifiée par l’indigence de la gestion gouvernementale

Par Oussama Nadjib 24 mai 2017

 Le gouvernement est lâché même par ses amis les plus proches. Ali Haddad, le patron du (FCE), affirme que «les chefs d’entreprises sont désorientés par l’absence de stabilité juridique».

 

 

Par petites révélations, gouvernement et acteurs économiques dévoilent l’incroyable confusion et l’incurie qui dominent dans la gestion du BTP, un secteur clé de l’économie algérienne. Ce qui était occulté par l’aisance financière est aujourd’hui étalé sur la place publique. Cela va de l’imprévoyance à l’absence d’arbitrages, en passant par les mesures les plus farfelues et les décisions illégales prises sous forme d’instruction ou, plus simplement, de manière verbale.

 L’absence de cohérence du gouvernement, largement étayée jusque-là, a pris un tour burlesque la semaine dernière lorsque le ministre de l’habitat, M. Abdelmadjid Tebboune, a publiquement accusé le ministère des finances et les banques d’entraver ses projets de réalisation de logements. Comme s’il n’existait plus, dans le pays, de centres d’arbitrages.

 Selon M. Tebboune, l’attitude du secteur des finances bloquait la livraison de 164.812 logements achevés, mais dont l’environnement nécessitait des travaux, à l’arrêt, faute de financement. En outre, la construction de 185.000 autres logements, dont le taux de réalisation dépassait les 60%, se trouvait également bloquée. Pour le ministre de l’habitat, cela constitue clairement «une entrave à la livraison des projets de logements dans les délais définis».

 Injonctions aux banques

 

 Aussitôt, le Crédit Populaire d’Algérie a débloqué, jeudi dernier, 12 milliards de dinars. Une somme infime, selon les opérateurs du secteur, dont un représentant a affirmé qu’il attendait 100 milliards de dinars, soit près de dix fois plus.  Car entretemps, un cri d’alarme avait été lancé par les entreprises de réalisation, algériennes et étrangères. De très nombreux chantiers sont à l’arrêt, faute d’argent, alors que les créances de ces entreprises ont été évaluées à 130 milliards de dinars.

 Mais au passage, l’action du gouvernement a fait une victime : les banques. En devenant l’objet de tiraillements entre ministères, cédant aux injonctions des uns et des autres, elles se réfugient dans un rôle de simples caisses pour faire transiter l’argent. Elles abandonnent totalement leur rôle d’entreprises.

 

 L’administration reste dans sa routine

 

Auparavant, le gouvernement, confronté aux risques de retards coûteux, de mise au chômage du personnel des entreprises du BTP, et de graves déficits budgétaires, avait promis aux entreprises qu’elles seraient exemptes de payer les charges sociales et fiscales jusqu’à recouvrement de leurs créances.

Mais l’administration n’a pas suivi cette décision faite de bric et de broc : comment pousser l’administration fiscale, dont les défaillances sont largement connues, à aller vers davantage de laxisme alors que la collecte des impôts est notoirement insuffisante ? Une simple instruction d’un ministre, ou d’un premier ministre, peut-elle abroger la loi de finances ?

 Comment demander à la CNAS de faire un effort pour équilibrer ses comptes et, en même temps, donner instruction à ses agents d’épargner les entreprises ? Plutôt que de subir les foudres de la hiérarchie, l’administration préfère rester dans sa routine, au moins pour éviter un surplus de suspicion.

 

Le gouvernement n’a plus la maitrise

 

Par ailleurs, c’est par Ali Haddad, patron du FCE, qu’a été confirmée l’incapacité du gouvernement à tenir l’administration, qui lui échappe largement. A l’issue d’une série de rencontres avec des chefs d’entreprises, M. Haddad s’est plaint au gouvernement que certaines administrations « refusent d’appliquer l’instruction du premier ministre » relative au report de la collecte des impôts, selon un document publié par le site TSA.

Mais il ne s’arrête pas là. Après avoir obtenu du gouvernement, grâce à sa proximité avec le pouvoir, des facilités de toutes sortes, notamment lors de diverses tripartites, M. Haddad constate qu’une fois éloigné du centre, l’administration fonctionne autrement. Les entrepreneurs les plus proches de l’administration continuent de surfer sur leurs réseaux, mais pour les autres, rien n’a changé.

«Persistance de la bureaucratie et lenteurs administratives» continuent d’entraver le décollage économique, alors que les dispositions du nouveau code de l’investissement sont ignorées, selon un document rendu public par le FCE.

 

Sujets récurrents

 

Faut-il encore évoquer les sujets récurrents ? L’accès au foncier et au financement bancaire reste très aléatoire, malgré les assurances du ministre de l’industrie Abdessalam Bouchouareb. La situation est si difficile que le FCE, au risque de blesser l’ami Sellal, affirme que « les chefs d’entreprises sont désorientés par l’absence de stabilité juridique », alors que « les entreprises qui respectent les lois subissent la concurrence déloyale des acteurs de l’économie informelle ». 

 Il en arrive finalement à recommander aux « chefs d’entreprises du BTPH de réfléchir à une reconversion d’activité pour garantir la pérennité de leurs entreprises ».

 Cet ultime message montre que M. Ali Haddad se trouve sur la corde raide. Car si lui et ses proches continuent à prospérer, grâce à leur proximité du pouvoir, les membres anonymes du FCE, qui espéraient régler leurs problèmes en adhérant à l’organisation, se trouvent confrontés à une autre réalité.

 M. Haddad prend alors deux risques à la fois : il hausse le ton envers un gouvernement qui n’arrive pas à concrétiser ses promesses, quitte à offusquer le premier ministre, et il invite les plus fragiles parmi ses troupes à changer de métier. Il risque de perdre sur les deux tableaux.

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