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Algérie- Planche à billets : Le dernier sursis avant le cataclysme

Par Yazid Ferhat
10 septembre 2017

Bien qu’il soit insoutenable, le recours à la planche à billet reste la seule issue sans coût social pour «  financer le déficit du budget de l’Etat,  financer la dette publique interne, et  allouer des ressources au Fond National d’Investissement »  et le Gouvernement n’entend pas s’en passer. 

 

Le Gouvernement vient d’entériner la décision de réformer la loi sur le crédit et la monnaie pour recourir à la planche à billets afin de «  financer le déficit du budget de l’Etat,  financer la dette publique interne, et  allouer des ressources au Fond National d’Investissement ».  Cette démarche est présentée par Ahmed Ouyahia comme une belle trouvaille qui va prémunir  le pays contre le choc de la crise financière qu’il subit de plein fouet.  Malgré les critiques acerbes de plusieurs experts et leurs avertissements quant aux risques que peut faire courir le recours à la planche à billet au pays, le Gouvernement ne veut pas se passer de ce dernier sursis que lui offre encore la crise.

Le rejet des experts

Nombreux les experts à trouver l’amendement de la Loi sur la monnaie et le crédit pour recourir à un financement non-conventionnel de l’économie une démarche insoutenable. Mohamed Cherif Belmihoub, professeur en économie, considère que la démarche gouvernementale est « trop risquée ». « Les conséquences immédiates seront : une spirale inflationniste, un effet d’éviction sur le marché du crédit pour les entreprises au profit de la sphère publique, alors que le financement du FNI est une discrimination en défaveur du secteur privé », affirme-t-il. Samir Bellal, également professeur d’économie, considère que la création monétaire va enclencher une spirale inflationniste qui va générer des effets ravageurs sur l’ensemble du secteur économique national ». Même chose pour Ali Benouari, ex-ministre du Trésor, qui estime que la planche à billet peut provoquer un chaos à la vénézuélienne en Algérie ». « Outre son impact inflationniste, il provoquera une cascade d’autres effets négatifs, comme une flambée du chômage. Sa principale tare est de prendre les Algériens par derrière, à leur insu, tout en permettant aux autorités d’accuser qui bon leur semble. Les spéculateurs, par exemple… », assure-t-il.

Nulle alternative à la planche à billets

Bien qu’il soit insoutenable, le recours à la planche à billet reste la seule issue sans coût social pour «  financer le déficit du budget de l’Etat,  financer la dette publique interne, et  allouer des ressources au Fond National d’Investissement »  et le Gouvernement n’entend pas s’en passer.  Plusieurs experts  reconnaissent qu’il n’y a pas d’alternative à la création monétaire dans les conditions actuelles mais ils condamnent fermement le fait de brandir fièrement cette option comme «  une trouvaille » d’autant qu’il s’agit d’une solution de facilité qui consiste à dépouiller la Banque d’Algérie de sa prérogative de lutte contre l’inflation. En effet, l’endettement extérieur est totalement exclu car, nous explique l’expert Ferhat Ait Ali, « personne ne va miser plus d’un ou deux milliards moyennant des conditions et garanties qu’on ne peut pas donner parce qu’il ne s’agit pas de s’endetter pour investir mais pour financer le déficit budgétaire. » Samir Bellal lui aussi pense « techniquement, quel que soit la solution adoptée, elle aura pour effet de générer de l’inflation, et le recours à l’endettement extérieur  qui ne signifie rien d’autre qu’un déplacement des problèmes dans le temps ». S’agissant de la dévaluation du dinar, il estime qu’elle a pour effet immédiat la hausse des prix », une conséquence qui a un coût social dont il est difficile de cerner les contours.  La planche billets reste donc l’unique recours pour le Gouvernement.

Des réformes structurelles : la planche du salut

Ahmed Ouyahia  entend limiter tout au plus à cinq ans le recours à la planche à billets. En même temps, il s’engage à mettre en place une série de réformes profondes pour redresser l’économie du pays.  Néanmoins, les réformes dont il est questions étant improbables en raison d’un manque flagrant de volonté politique et de légitimité pour pouvoir opérer une rupture, forcément douloureuse, avec le système rentier-clientéliste qui sévit jusque-là, il est fort à craindre que le Gouvernement conduise le pays vers une impasse encore plus insurmontable que l’actuelle.  Pour Samir Bellal, le recours à la création monétaire est une solution de facilité qui peut calmer momentanément la douleur mais ne jamais guérir la plaie qui, elle, relève de la crise structurelle du régime rentier.  « Il n’y a pas de solution sans coût social à la crise actuelle. Le problème est politique. Le pouvoir ne veut pas toucher aux intérêts de ses différentes clientèles, à commencer par le capital privé prédateur, comme il ne veut pas arbitrer les conflits de répartition de la rente, c’est pourquoi il opte pour la solution de facilité: la planche a billet », constate –t-il en préconisant la mise en œuvre de réformes structurelles qui passent, préalablement, par la réduction du train de vie de l’Etat et la suppression des subventions massives.   Mohamed Cherif Belmihoub abonde aussi dans ce sens en mettant en relief la dimension politique de toute réforme sérieuse de la gouvernance des politiques publiques. « On nous dit que le financement non conventionnel est adossé à des réformes structurelles économiques et financières qui assureront le rétablissement des équilibres à moyen terme, mais on ne définit pas ces politiques et selon quelles modalités elles seront mises en œuvre. Tant que cette question de la gouvernance des politiques publiques n’est pas réglée, les risques de dégradation des finances publiques seront très élevés. La question de la gouvernance est complexe, parce qu’elle est d’essence politique », affirme-t-il.

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