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Algérie – Sonelgaz dépense sans compter, et sans garantie de résultat

Par Maghreb Émergent
8 juillet 2014
Une augmentation des tarifs énergétiques serait mal-vue par les consommateurs en raison de la qualité discutable des prestations de service de Sonelgaz (DR)

 

Sonelgaz agit conformément à la mode de l’ère Bouteflika : dépenser massivement l’argent public. L’entreprise s’endette, accumule les déficits, en attendant que l’Etat intervienne.

Sonelgaz ignore la difficulté. L’entreprise publique, chargée de produire et de vendre l’électricité et le gaz en Algérie, affiche toujours sa détermination à réaliser des projets grandioses, malgré les aléas qui s’accumulent et les difficultés à concrétiser ses objectifs sur le terrain. « Les dirigeants de l’entreprise adorent parler de stratégie, alors qu’ils butent sur de vulgaires problèmes d’intendance qu’ils n’arrivent pas à surmonter », relève un ancien de Sonelgaz, récemment parti à la retraite.
Pour l’entreprise, l’enjeu est énorme. Elle prévoit tout simplement de se doter, d’ici 2017, d’une capacité de production nouvelle équivalente à ce qu’elle possède aujourd’hui. En un quinquennat, lancer 15.000 mégawatts, tout en se diversifiant dans le renouvelable, les centrales hybrides, et en se lançant dans une production industrielle de composants nécessaires à l’activité, notamment les turbines.
Soneglagz et ses filiales répondent à des demandes tellement diverses que les gestionnaires sont contraints au grand écart en permanence. « Comment gérer des contrats en millions de dollars, quand une petite panne d’un transformateur, dans un douar isolé, risque de provoquer une émeute ? », se plaint un ingénieur qui a quitté lui aussi Sonelgaz pour se lancer à son propre compte.
Mise à niveau non achevée
Sonelgaz doit aussi solder l’ère Chakib Khelil, avec ses nombreuses casseroles, dont deux pèsent lourdement sur la gestion du groupe. D’une part, l’achat de centrales électriques de même capacité, l’une pour 800 millions de dollars, l’autre pour le double, ce qui révèle une affaire de corruption actuellement en instruction; d’autre part, un sous-équipement important qui contraint les responsables de l’entreprise à une course effrénée pour combler le retard, dans un pays où une panne d’électricité débouche parfois sur une émeute. Pour cet été, les dirigeants de l’entreprise croisent les doigts : une panne de courant pendant un match de l’équipe nationale de football aurait été une catastrophe pour Sonelgaz.
Ce qui n’empêche pas le PDG de Sonelagz, M. Noureddine Bouterfa, de continuer à égrener ses chiffres. 2.000 mégawatts supplémentaires réalisés en 2014, et 1.500 sur le point d’être réceptionnés, ce qui, sauf cas de force majeure, permet, selon lui, de passer un été tranquille, « même en cas de canicule ». L’entreprise est prête à répondre au pic de l’été, qui augmente de 14-16% par an d’une année sur l’autre depuis cinq ans. Dans le même temps, 9.000 postes de distribution ont été mis en service, l’équivalent de trois années au rythme antérieur ; 300.000 clients nouveaux pour l’électricité et autant pour le gaz, et des investissements faramineux de 410 milliards de dinars (4.1 milliards d’euros). Le chiffre d’affaires est en hausse de 13%, à 236 milliards dinars (2.36 milliards d’euros).
Endettement excessif
Et pourtant, Sonelgaz n’a pas d’argent. Elle totalise 1.200 milliards de dinars d’endettements (12 milliards d’euros), ce qui est « considérable », selon son PDG. Pour l’année 2013, le déficit d’exploitation est de 30 milliards de dinars. Et pour concrétiser son programme d’investissements, l’entreprise envisage 1.600 milliards de dinars d’endettement nouveau (16 milliards d’euros). En cause, « des tarifs gelés depuis 2005 », à un niveau « très bas », selon les termes du PDG. Ce qui n’empêche pas M. Bouterfa de parler de 6.400 milliards de dinars d’investissements envisagés durant le quinquennat (64 milliards d’euros) pour le seul renouvelable.
Comment y parvenir, alors que l’entreprise n’arrive pas à régler des problèmes primaires ? Des propriétaires refusant l’expropriation à l’amiable, empêchent des villages entiers d’être approvisionnés correctement en électricité. L’entreprise n’arrive pas à acquérir des terrains auprès de particuliers, en raison de la méfiance qui entoure la gestion de l’entreprise, après les scandales de corruption, comme le reconnait M. Bouterfa.
Un discours décalé
Avec ce niveau d’endettement et d’incertitude, le discours de Sonelgaz sur l’efficacité énergétique et les économies d’énergie apparait comme un simple exercice de style. Tout comme le discours sur les énergies renouvelables, pour lesquelles Sonelgaz annonce des investissements record. L’entreprise parle aussi de transfert de technologie, de domicilier la fabrication en Algérie, pour ne plus se contenter d’assemblage, et d’explorer toutes les pistes du renouvelable solaire.
Sur le terrain, les choses sont moins souriantes. Le projet phare du renouvelable, celui de Rouiba, est au point zéro. Les discussions avec un partenaire allemand n’ont pas abouti. De nouvelles discussions avec d’autres partenaires sont organisées actuellement. Tout a été remis à plat. Il faut encore plusieurs mois de discussions pour espérer arriver à un accord.
Enfin, Sonelgaz tente l’aventure industrielle avec General Electric pour construire des équipements, notamment des turbines. Un projet ambitieux, mais complexe, qui ne fait pas partie du cœur de métier de Sonelgaz. « La mécanique se met lourdement en place », admet le PDG de Sonelgaz, « pas à la vitesse que voudraient certains », reconnait-il. Mais pour l’heure, Sonelgaz se contente de faire ce que l’Algérie sait faire: investir massivement de l’argent public. Sans aucune garantie de résultat.

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