L’annonce récente de la société chinoise Asia Potash d’un investissement de 1,6 milliard de dollars en Algérie pour créer un complexe industriel intégré de production d’engrais phosphatés stimule le débat. Ce projet, centré sur la valorisation des phosphates et l’utilisation du gaz naturel algérien, a été présenté jeudi 25 septembre 2025 lors d’une réunion à l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI), en présence de son directeur général, Omar Rekache. Le vice-président d’Asia Potash, Zeng Yue, a conduit la délégation chinoise.
Si ce projet peut paraître ambitieux et bénéfique pour l’économie algérienne, il soulève aussi des questions et des critiques légitimes, à commencer par l’expérience mitigée d’Asia Potash en Tunisie, où un projet similaire annoncé début juillet 2025 reste au point mort.
Un attrait évident pour le gaz algérien
L’Algérie offre une double richesse : d’importants gisements de phosphate et une abondance de gaz naturel. Asia Potash mise sur cette complémentarité pour développer un pôle industriel capable de produire de l’ammoniac, de l’urée et des engrais composés. Le choix du gaz algérien comme source énergétique principale justifie largement l’implantation en Algérie.
Mais ce positionnement soulève des interrogations : le projet s’inscrit-il dans une véritable stratégie industrielle ou répond-il surtout à la volonté de profiter des coûts énergétiques avantageux ? La dépendance à une ressource fossile limite-t-elle la durabilité du projet à long terme ? Et surtout, dans quelle mesure l’Algérie bénéficierait-elle réellement de ce montage, au-delà de la simple exploitation de ses matières premières ?
Un projet à gros enjeux, mais peu d’avancées concrètes
Le contrat de 1,6 milliard de dollars impressionne. Pourtant, la concrétisation reste floue : aucune décision ferme n’a encore été prise pour lancer le projet. Comme souvent dans ce type d’investissements stratégiques, les promesses rythment les rencontres officielles, mais les avancées tangibles tardent à venir. Ce flou alimente les critiques sur la gestion de ces dossiers.
Le cas tunisien renforce cette méfiance. En juillet 2025, Asia Potash avait annoncé vouloir investir dans la mine de phosphate de Sra Ouertane, avec un projet similaire en termes d’envergure. Mais, pour l’heure, aucun développement majeur ni lancement de chantier n’a eu lieu. Ce retard nourrit naturellement les doutes sur le calendrier algérien.
Quelles retombées pour l’économie algérienne ?
Si Asia Potash mène ce projet à terme, il devrait permettre de produire des engrais destinés au secteur agricole local et à l’exportation. Cependant, la place réelle des Algériens dans la chaîne de valeur et le nombre d’emplois générés restent à préciser. Pour l’instant, aucune garantie explicite n’a été donnée concernant le transfert de technologie, la création d’emplois locaux ou les retombées directes pour les communautés concernées.
Le projet devrait aussi s’inscrire dans une stratégie nationale cohérente, fondée sur la diversification énergétique et la réduction de la dépendance aux combustibles fossiles. Une utilisation massive du gaz naturel, si économiquement opportune pour l’entreprise chinoise, pourrait sembler à contre-courant des engagements globaux en matière de transition écologique.