Le Brent reprend de la hauteur sous l’effet des tensions géopolitiques, mais cette hausse défensive ne modifie en rien les fondamentaux d’un marché orienté vers l’excédent. Washington tient les rênes, les producteurs restent sous pression.
Le pétrole se redresse, mais personne n’y croit vraiment. Jeudi, le Brent a brièvement retrouvé les 60 dollars le baril, tiré par un regain de tensions géopolitiques. Washington menace de durcir les sanctions contre la Russie et annonce un blocus ciblant les pétroliers vénézuéliens sous sanctions. Le marché réagit en réintégrant une prime de risque. Une hausse par précaution, pas par conviction.
Ce rebond intervient après plusieurs séances de baisse, dans un contexte peu encourageant. La demande mondiale reste atone, les prévisions pour 2026 tablent sur un excédent d’offre, et les stocks flottants demeurent confortables. Autrement dit, le baril monte parce que les traders craignent une perturbation, pas parce que les fondamentaux se sont améliorés.
Washington reprend la main
Il va sans dire que l’administration Trump utilise le levier des sanctions pour peser sur le marché pétrolier. Les États-Unis ont annoncé un blocus visant les navires impliqués dans les exportations vénézuéliennes sous sanctions, tout en laissant planer la menace de nouvelles mesures contre le secteur énergétique russe si aucun compromis n’émerge sur le dossier ukrainien.
D’un côté, Washington montre aux marchés qu’il peut durcir le ton sans provoquer de flambée immédiate des prix. De l’autre, le niveau actuel du Brent offre précisément cette marge de manœuvre politique. Autour de 60 dollars, le pétrole n’alimente ni inflation excessive ni tension majeure sur les consommateurs occidentaux. C’est ce qui explique la réaction mesurée des cours : le risque est identifié, mais il reste encadré.
Le Venezuela, un leurre ; la Russie, le vrai levier
Dans les faits, le Venezuela pèse peu. Même si jusqu’à 600 000 barils par jour sont menacés, le brut vénézuélien représente environ 1 % de l’offre mondiale et s’écoule majoritairement vers la Chine. Les livraisons vers les États-Unis, via Chevron, continuent sous dérogation.
Le vrai facteur de nervosité reste la Russie. Un ciblage plus strict de la flotte dite « fantôme » ou des négociants impliqués dans le contournement des sanctions aurait un impact bien plus structurant. Mais là encore, le marché reste prudent : aucune mesure concrète n’a encore perturbé les flux. Résultat : une hausse contenue, sans emballement.
Un plafond qui pèse sur les producteurs
Ce niveau de prix compte. Autour de 60 dollars, le Brent reste compatible avec les équilibres budgétaires de nombreux pays consommateurs, mais il limite fortement la marge de manœuvre des producteurs. Pour l’OPEP+, et notamment pour des pays comme l’Algérie, ce rebond ne constitue pas un changement de régime. Il ne remet pas en cause la pression sur les recettes, ni la nécessité de maintenir une discipline stricte de l’offre.
Le marché ne rémunère pas le baril, il rémunère le risque. Tant que la demande mondiale ne repart pas franchement, chaque poussée liée aux tensions géopolitiques risque de se heurter au même plafond. Les traders ajustent leurs positions face à un environnement plus incertain, sans parier sur un retournement structurel.
Le cœur du marché reste inchangé : excédent anticipé, croissance hésitante, et pétrole sous surveillance politique. Le baril grimpe par crainte. Il redescendra au moindre signe d’accalmie.





