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Ce que signifie le visa Rezzig du commerce extérieur

Par Ihsane El Kadi
26 juillet 2025

Il existe au moins deux approches temporelles lorsqu’on évoque la situation économique d’un pays. Les deux ne se recoupent pas toujours.

Le court terme de l’Algérie de 1994 était chaotique. Défaut de paiement, rééchelonnement de la dette extérieure avec son corolaire ; un sévère ajustement de la demande domestique par l’inflation, la réduction du budget de l’État et le chômage.

Que disait alors le moyen-long terme d’une, de deux, ou de trois décades ? Que le pays était plus que solvable, qu’il allait bénéficier de ses politiques sociales, de l’éducation et de la santé pour s’appuyer sur de solides ressources humaines en soutien à une croissance vigoureuse budgétisée par un second âge pétrolier. Celui-ci avait été rendu possible par la sous-exploitation du domaine minier sous l’ère de Chadli. Hassi Berkine pour le pétrole et In Salah pour le gaz arriveraient bientôt en renfort.

Donc, selon que l’on arrêtait le curseur sur les trois à cinq premières années de l’après printemps 1994, ou qu’on le poussait à vingt ans plus tard, la lecture de l’état de l’économie algérienne et de sa trajectoire changeait du tout au tout. Hasard de calendrier, 20 ans plus tard correspond pile poile avec la fin de la période de rattrapage économique de l’après-guerre civile avec d’entrée dans une période de dépression des cours du brut.

La question ne peut pas ne pas se poser aujourd’hui : sommes-nous dans un scénario à rebours de celui de 1994 ?  Le court terme – les trois à cinq ans — se tient correctement : les réserves de change couvrent 18 mois d’importation (très au-dessus des trois mois de la cote d’alerte), la croissance demeure au-dessus du taux de natalité et l’inflation est contenue  dans les objectifs consensuels des banques centrales des pays en développement. Tout l’inverse de 1994.

Le moyen long terme lui n’est peut-être pas chaotique, il est anxiogène. C’est le pronostic de la stagnation qui domine les prospectives à 2040. Ce n’est donc pas 1994, c’est plus insidieux. Fléchissement de la croissance à 1,8% en moyenne sur la période, vieillissement de la population, dissipation du moteur des revenus énergétiques et des transferts sociaux qu’il permet. Le court terme et le moyen long terme ne devisent pas la même ligne de vie. Un peu comme en 1981-1982.

Les Souk El Fellah étaient pleins de produits importés par un dinar taille XXL. L’instantané souriait aux Algériens. L’arrière-plan disait autre chose. Désinvestissement des hydrocarbures et de son aval,  impasse productive de l’industrie publique et de l’agriculture. La règle est bien de se méfier de l’anticyclone et de ses beaux jours, car il est le plus doué pour cacher les premiers signes de la dépression qui nait dans ses interstices.

La stature étatique d’une gouvernance politique s’évalue à sa capacité à ne pas tout sacrifier à la bonne tenue du court terme économique. Chadli Benjdedid s’est trompé de bonne foi au début de sa présidence. Il voulait changer le pronostic de long terme tout en enjolivant le court terme. Il a stoppé les investissements dans l’amont pétrolier pour préserver la part de pétrole des futures générations et a desserré l’étau sur la consommation avec l’idée d’engager la diversification de l’économie. Il ne se donnait pas le temps de remplacer un moteur de croissance par un autre. Où se situe, dans cette dialectique du court terme et du long terme de l’économie, la récente décision gouvernementale de revenir au contrôle total  du commerce extérieur ?

Préserver à long terme les réserves de change ? On connaît l’allure à laquelle elles peuvent fondre par contexte dépressif du marché pétrolier. Éviter coute que coute — forcément dans le court terme —  une baisse de la valeur du dinar, ajustement incitatif le plus efficace   pour réguler le commerce extérieur ?  Piège subversif qui accentue le gap avec le dinar parallèle et l’économie qui va avec, loin du trésor public.  

Le scénario de la stagnation à l’horizon 2040 n’est pas une fatalité. Il tient le lead dans le cas ou la gouvernance économique algérienne ne change pas. C’est-à-dire dans le cas où elle propose un avenir similaire au présent :  priorité a la commande publique et aux acteurs publics, faible investissement du privé, faible niveau de productivité et d’innovation et tarissement des IDE.

Tout le monde sait à Alger que cette mesure de quasi-abrogation de la libération du commerce extérieur ne sert ni le court terme ni le long terme. Une différence avec les épisodes précédents. La défense en public du long terme conduit de plus en plus en prison. La prime au court terme en devient dangereusement confortable.

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