Quelques jours après la visite du ministre espagnol de l’Intérieur à Alger, deux dossiers sensibles trouvent une issue. Entre refus de Frontex et retour d’une Sahraouie bloquée, la coopération reprend.
Entre Madrid et Alger, les choses bougent. Deux dossiers viennent de se débloquer presque en même temps. D’un côté, l’Espagne refuse publiquement de faire appel à Frontex pour gérer les arrivées aux Baléares. De l’autre, une jeune Sahraouie bloquée depuis des mois dans les camps de Tindouf rentre enfin en Espagne. Deux affaires distinctes, mais un seul fil conducteur : Alger et Madrid se reparlent, et ça se voit.
Lundi, à Palma, la secrétaire d’État à la Sécurité, Aina Calvo, a refroidi les ardeurs du gouvernement régional des Baléares. Pas question de déployer l’agence européenne Frontex dans l’archipel, même si celle-ci s’est déclarée disponible. Le gouvernement Sánchez préfère miser sur un canal direct avec Alger. “Pouvoir maintenir cette nouvelle conversation avec les autorités algériennes est un point d’espoir”, a déclaré Calvo, sans détailler de mesures concrètes sur les retours de migrants.
Le choix tranche avec les demandes de la présidente régionale Marga Prohens, qui réclame une présence permanente de Frontex dans les îles. Mais pour Madrid, la priorité reste l’action “à la source”, dans les pays d’origine. “Nous avons constaté que la clé consiste à empêcher les embarcations de quitter les côtes”, a insisté la numéro deux du ministère de l’Intérieur, après avoir visité le navire de la Garde civile Duque de Ahumada amarré à Palma.
Cette ligne se dessine juste après les discussions à Alger entre les deux ministres de l’Intérieur, centrées sur le démantèlement des réseaux de passeurs. Alors que les arrivées irrégulières repartent à la hausse aux Baléares, malgré une baisse au niveau national, Madrid fait le pari de la coopération bilatérale avec son voisin du sud. “À partir de là, nous entamons des semaines de travail importantes et espérons voir des résultats dans les prochaines semaines ou mois”, a ajouté Calvo.
Ancienne déléguée du gouvernement aux Baléares, elle connaît bien la pression migratoire que subissent les îles. Mais elle a rappelé que la politique de sécurité requiert discrétion et professionnalisme, appelant à faire confiance aux forces de l’État plutôt qu’aux solutions européennes. Plusieurs pays membres envisagent d’ailleurs de réorienter les opérations de Frontex vers les zones d’origine des flux, ce qui permettrait de s’attaquer plus efficacement aux passeurs.
Une Sahraouie rentre en Espagne après deux ans de blocage
Presque au même moment, mardi, un autre dossier trouve sa conclusion. Safia, 28 ans, Sahraouie, est rentrée en Espagne après plus de deux ans de blocage. La représentante du parti Sumar au Congrès, Tesh Sidi, a annoncé la nouvelle lors d’une conférence de presse où plusieurs parlementaires avaient réclamé son rapatriement.
Accueillie depuis l’âge de huit ans par une famille de Dos Hermanas, près de Séville, Safía s’était rendue à Tindouf en février 2024 pour rendre visite à sa famille biologique. Mais celle-ci lui avait confisqué son passeport, l’empêchant de repartir. En mai 2024, elle avait tenté de s’échapper et de rejoindre l’aéroport. En vain. Selon ses déclarations, le Front Polisario lui avait retiré les autorisations nécessaires pour voyager. Elle s’était ensuite retrouvée à Alger, toujours dans l’impossibilité de rentrer.
Tesh Sidi a remercié “le travail exemplaire réalisé par le ministère de l’Intérieur à Alger, en collaboration avec les services de sécurité algériens, Amnesty International et le mouvement féministe sahraoui”. L’affaire, qui avait suscité une vague d’émotion en Espagne et avait été largement relayée par certains médias hostiles au Front Polisario, s’est finalement réglée dans la discrétion. Preuve que les canaux diplomatiques fonctionnent de nouveau entre les deux capitales.
Ces deux épisodes marquent le retour du dialogue entre Madrid et Alger, après trois années de crispations liées au Sahara occidental et à la mise entre parenthèses du traité d’amitié de 2002.
Pour l’Espagne, l’Algérie demeure un partenaire incontournable au sud de la Méditerranée. Que ce soit pour la gestion des flux migratoires ou pour la sécurité énergétique, difficile de s’en passer. Pour Alger, cette reprise du dialogue offre une reconnaissance de son rôle régional, sur un terrain où elle entend peser : celui de la stabilité au Maghreb et du contrôle des routes migratoires.
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