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Cevital obtient pour FagorBrandt un soutien de l’Etat français… qui lui a tant manqué en Algérie

Par Maghreb Émergent 21 avril 2014
Issad Rebrab à sa sortie de l'Elysée où il a été reçu par le président François Hollande (DR)

Les médias français s’interrogent sur la stratégie de Cevital, après le rachat de FagorBrandt. Pour l’heure, le groupe d’IssadRebrab bénéficie d’un apriori positif.

 

Que va faire le groupe Cevital de FagorBrandt, sa toute nouvelle acquisition ? C’est la question que se posent de nombreux observateurs français, curieux de savoir quelles sont les intentions réelles du conglomérat d’IssadRebrab. Pour mémoire, le tribunal de commerce de Nanterre a homologué, mardi 15 avril, le projet de reprise présenté par le premier groupe privé algérien. Quelques jours auparavant, Cevital avait aussi obtenu de la justice espagnole, le rachat des marques de FagorBrandt (Brandt, Vedette, Sauter, De Dietrich…) à Fagor, la maison-mère espagnole en faillite.

 Officiellement, Cevital va préserver 1420 emplois sur 1800. Associé à des banques et à l’Etat français, il va aussi investir un total de 200 millions d’euros pour relancer l’activité de l’entité, qui sera désormais dénommée Brandt France. L’Etat français a d’ores et déjà promis 47,5 millions d’euros, via le fonds de résistance économique,et pourrait même, selon certaines sources, consentir une enveloppe supplémentaire. En clair, toutes les conditions sont réunies pour que Brandt France redonne un coup de fouet à la production française d’électroménager, voire qu’elle permette sa renaissance (plus aucun réfrigérateur n’est fabriqué en France). Des « produits blancs », autre appellation de l’électroménager domestique, « bleu-blanc-rouge », quand tant d’autres sont fabriqués en majorité en Europe de l’Est, mais aussi en Turquie (50% de la production écoulée en Europe)…

 Différenciation par le haut

Du coup, la première question concerne la capacité de Brandt France à lutter contre des concurrents aux coûts bien plus faibles. Selon IssadRebrab, la stratégie privilégiée sera de concentrer la production sur les équipements à « haute technologie ». Une différenciation par le haut, qui ferait la part belle à l’innovation et à la différenciation par rapport aux articles standards. Une option séduisante mais qui ne convainc pas totalement un connaisseur du marché : « Il faudra que les investissements soient à la hauteur de l’enjeu et que Brandt France se renforce en capacités de recherche et de développement. Tout cela dans une période assez courte ».

C’est ce scepticisme qui relance les interrogations à propos des intentions réelles de Cevital. En effet, plusieurs observateurs n’ont pas manqué de noter que le groupe algérien a conditionné le sauvetage de FagorBrandt au rachat des marques détenues en Espagne parFagor. C’est cette exigence qui a ralenti le processus de rachat et qui fait dire aujourd’hui à plusieurs experts que l’enjeu réel de l’opération est, d’une part, le contrôle de ces marques et, d’autre part, l’acquisition à bon compte d’un savoir-faire technologique qui pourrait être à terme transféré dans des pays à bas coûts voire en… Algérie.

 Des enjeux de politique interne

Les autorités françaises, quant à elles, se disent très confiantes quant au fait que Cevital tiendra ses engagements. Une position cohérente avec le soutien actif dont a bénéficié le « chaebol » algérien de la part d’Arnaud Montebourg, ancien ministre du redressement productif et désormais ministre de l’économie dans le gouvernement de Manuel Valls. Décidé à montrer à l’opinion publique qu’il est décidé à défendre l’emploi coûte que coûte, Arnaud Montebourg est conscient de l’impact positif sur le plan politique du sauvetage de FagorBrandt dans un contexte où le chômage continue d’augmenter et où chaque semaine amène son cortège de mauvaises nouvelles sur le plan de l’emploi et des délocalisations. Cevital offre ainsi l’occasion au ministre français de montrer, comme il l’a déclaré à plusieurs reprises, « qu’il se bat bec et ongles pour chaque emploi ».

C’est d’ailleurs au nom de cette urgence de la lutte contre le chômage que la presse française a adopté une position plutôt neutre à l’égard de Cevital. Qu’un groupe privé algérien reprenne un ex-fleuron de l’industrie légère française n’a pas semblé poser de problèmes, y compris sur le plan symbolique. Pas ou peu d’interrogations sur la manière dont un groupe algérien peut mobiliser 25 millions d’euros alors qu’il vient d’un pays où la législation des changes est des plus tatillonnes. Pas ou peu d’interrogations aussi, sur les liens qui existeraient entre IssadRebrab et le pouvoir algérien. A ce jour, l’opération bénéficie d’une notoriété plutôt positive, les commentateurs ayant même insisté sur la prise de distance du patron algérien vis-à-vis du Forum du chef des entreprises (FCE), jugé proche du président Bouteflika.

Communication discrète

 L’une des raisons du jugement positif qui entoure l’opération FagorBrandttient à la stratégie médiatique du patron de Cevital. En France, l’homme a cultivé à la fois une exposition régulière, doublée d’une certaine discrétion. Très présent dans les colloques et autres réunions des milieux d’affaires, notamment ceux organisés par le Medef, il a par contre été avare en matière d’interviews accordées aux publications hexagonales. Peu de publicité, peu de déclarations tapageuses, pas d’opérations « bling-bling » défrayant la chronique : une évidence saute aux yeux, IssadRebrab a certainement tiré les leçons du feuilleton Khalifa en France. Les milieux d’affaires reconnaissent un des leurs tandis que la presse généraliste n’est guère incitée à s’interroger sur l’origine de ses fonds ni sur sa stratégie générale.

Pour autant, l’acquisition de FagorBrandt marque une nouvelle étape dans la médiatisation de Cevital. Désormais, Issad        Rebrab et son groupe seront suivis de près et attendus au tournant. Une réussite les installera et les banalisera dans le paysage économique français. L’échec, au contraire, pourrait déclencher les critiques et un mécanisme de rejet à l’égard d’un groupe qui symbolise, ce qui ne pouvait s’imaginer il y a encore une dizaine d’années, un groupe privé algérien se portant au secours d’une entreprise française des plus emblématiques.

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