Air Algérie affiche un jeu de plus en plus offensif dans le ciel africain, en parfaite résonance avec la volonté du président Abdelmadjid Tebboune de renforcer les ponts économiques et culturels avec le continent. La dernière manœuvre en date — l’annonce d’une nouvelle ligne Alger–N’Djamena (Tchad) via Douala (Cameroun) à partir du 21 octobre 2025 — illustre la volonté de la compagnie nationale de s’imposer comme un véritable hub régional.
Elle bénéficie pour cela du précieux droit de cinquième liberté, lui permettant de vendre des billets sur le tronçon Douala–N’Djamena. L’intention est claire : ouvrir de nouvelles perspectives de partenariat et soutenir l’ambition d’une Algérie leader sur le continent.
La promesse répétée d’une flotte de combat
Cette expansion du réseau, qui inclut également de nouvelles lignes vers Addis-Abeba, Libreville, Zanzibar, Le Caire et l’Asie, ne peut être crédible sans une flotte à la hauteur. Sur ce point, les annonces se multiplient, créant un sentiment de « déjà-vu » qui nourrit le scepticisme.
Le Premier ministre a récemment confirmé l’acquisition de 32 nouveaux avions à partir de juin 2026 :
16 ATR 72-600 pour les lignes intérieures (contrat finalisé en juillet 2025) ;
16 gros porteurs (Airbus et Boeing) pour les lignes internationales.
Un simulateur de vol ATR — le premier en Afrique — est également prévu pour renforcer l’autonomie de formation. Ces chiffres sont censés propulser Air Algérie dans une nouvelle dimension.
Pourtant, cette annonce rappelle de douloureux précédents : des promesses similaires avaient été faites l’an dernier pour l’acquisition de quinze appareils, sans qu’aucune livraison concrète n’ait encore eu lieu. Le PDG d’Air Algérie, Hamza Benhamouda, a tenté de rassurer en annonçant la réception du premier avion de cette commande initiale en juin 2025, le reste devant suivre progressivement.
Le véritable défi n’est donc pas l’intention, mais la concrétisation rapide et sans imprévus de ce plan d’investissement colossal.
Un avantage numérique illusoire face au Maroc
D’après Business Insider Africa, Air Algérie dispose actuellement de 56 avions, contre 52 pour sa rivale directe, Royal Air Maroc (RAM). L’Algérie figure ainsi dans le Top 3 des plus grandes flottes aériennes africaines.
Mais cet avantage numérique est trompeur.
Le Maroc est un acteur plus actif et stratégique dans la conquête du ciel africain. La RAM dessert 89 destinations, contre 78 pour Air Algérie — un réseau commercial plus dense et mieux exploité. De plus, la compagnie marocaine est soutenue par un plan gouvernemental ambitieux visant à quadrupler sa flotte pour atteindre 200 appareils d’ici 2037, afin de faire du royaume un hub intercontinental majeur et d’attirer 26 millions de touristes d’ici 2030.
La concurrence est donc féroce. Si l’Algérie, malgré son potentiel, tarde à concrétiser ses commandes, à optimiser la fréquence de ses vols et à améliorer la qualité de son service, elle risque de se retrouver reléguée. Être aujourd’hui dans le Top 3 ne garantit rien pour l’avenir.
L’urgence d’un déploiement efficace
Les nouvelles lignes africaines, telles qu’Alger–N’Djamena, sont stratégiquement vitales pour renforcer l’influence politique et économique de l’Algérie. Elles illustrent parfaitement l’usage de la cinquième liberté de l’air, une flexibilité essentielle à la construction d’un véritable hub africain.
Cependant, la bataille se gagnera au sol : dans la rapidité de la modernisation et l’efficacité du déploiement des nouveaux avions. Air Algérie doit transformer ses déclarations ambitieuses en avions neufs sur le tarmac.
L’Algérie a les moyens de s’imposer en leader, mais la fenêtre d’opportunité face à l’offensive marocaine est étroite. Le ciel africain, lui, n’attendra pas.