« Nous nous sommes engagés à nous adresser, à travers vous, au vaillant peuple algérien, partant de la volonté politique de concrétiser rigoureusement les engagements pris, depuis que le peuple m’a honoré de sa confiance ». C’est en ces termes que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, s’est exprimé mardi, dans son discours à la Nation, prononcé devant les deux chambres du Parlement réunies au Palais des Nations, au Club des Pins.
« Depuis cette tribune, je me suis engagé à mener un dialogue politique avec les partis. Je demeure attaché à ce dialogue, comme je l’ai expliqué aux responsables de partis que j’ai reçus », a-t-il poursuivi, selon le compte-rendu de l’APS, précisant que ce dialogue sera entamé « dès que le Parlement aura adopté la loi sur les partis ». Soulignant le caractère « constructif » de ce futur échange, le chef de l’État a assuré qu’il s’engageait à « appliquer tout ce qui sera convenu avec les partis ».
Une promesse régulièrement réitérée
Ce nouvel appel au dialogue n’est toutefois pas le premier. Depuis plusieurs années, Abdelmadjid Tebboune réitère cette promesse, devenue l’un des engagements les plus attendus – et les plus différés – de la présidence. Lors de sa prestation de serment en septembre 2024, à l’entame de son second mandat, il avait déjà annoncé l’organisation d’un « dialogue national ouvert », destiné à associer les forces politiques aux grandes orientations du pays. En décembre de la même année, devant les deux chambres parlementaires, il évoquait un dialogue « profond » et « inclusif », à la hauteur des enjeux internes. En mars 2025, il parlait encore d’un dialogue à lancer à l’horizon fin 2025 ou début 2026.
Mais au-delà des déclarations, les contours de ce dialogue demeurent flous. Le président ne précise ni le format envisagé, ni les modalités d’organisation, ni l’ordre du jour, ni même les acteurs appelés à y participer. Jusqu’ici, la pratique a surtout consisté en des rencontres en aparté avec des responsables de partis. La présidence a, à intervalles réguliers, reçu des dirigeants politiques au palais d’El Mouradia, particulièrement ceux qui sont présents dans les assemblées ou dont le discours politique appuie les orientations des autorités. Mais ces audiences sont restées bilatérales, protocolaires et sans suites politiques visibles. Elles n’ont jamais débouché sur une dynamique collective, ni sur un débat inclusif réunissant l’ensemble des sensibilités partisanes du pays. La seule exception notable remonte à juin 2024, lorsqu’une rencontre a été organisée avec plusieurs partis politiques. Là encore, l’initiative est restée partielle et controversée. La présidence n’avait convié que les formations représentées dans les assemblées locales, excluant de facto une partie significative de la scène politique, notamment des partis non représentés ou marginalisés par le système électoral. Cette réunion, loin d’incarner un dialogue national inclusif, a davantage été perçue comme une consultation sélective. Une rencontre dont beaucoup se demandent à ce jour la finalité. D’ailleurs, hormis le FFS et le PT, le reste des partis n’ont même pas évoqué la conjoncture politique que travers le pays, encore moins évoquer la situation des détenus ou d’autres questions qui fâchent.
L’inclusivité à l’épreuve des réalités partisanes
Dès lors, la question centrale demeure : quel sera le format du prochain dialogue annoncé et que signifie réellement l’« inclusivité » invoquée par le pouvoir ? D’autant que de nombreux partis dénoncent aujourd’hui des entraves à leur activité. Le RCD affirme avoir été empêché à plusieurs reprises d’organiser ses universités d’été, tandis que d’autres formations, comme le PST ou le MDS, évoquent le gel de leurs activités. Selon Abdelmadjid Tebboune, ce dialogue n’interviendra qu’après la promulgation de la loi sur les partis politiques adopté il y a quelques jours par le Conseil des Ministres. Or, là encore, de nombreuses formations ont exprimé des réserves sur le contenu de ce texte, jugé par certains contraignant et peu favorable au pluralisme. Reste à savoir si cette loi constituera un cadre consensuel à même de satisfaire la classe politique, ou si elle deviendra un préalable de plus repoussant un dialogue déjà attendu depuis plusieurs années. Dans un contexte marqué par des échéances électorales à venir et par de lourds défis économiques, sociaux et géopolitiques, le temps politique continue de s’écouler. Et si le dialogue est régulièrement promis, il n’a toujours pas été expérimenté dans sa forme la plus attendue : collective, inclusive et structurée. Or, en politique comme ailleurs, le dialogue ne se proclame pas : il se met en œuvre.