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En Algérie, monétique et e-paiement otages de l’incompétence et du laisser-aller

Par Yazid Ferhat
28 mai 2015
L'Algérie compte 2.876 terminaux de paiement électronique. Parmi eux, seuls 120 ont généré des transactions en 20014

En Algérie, la carte bancaire sert essentiellement au retrait, très rarement au paiement électronique. Et encore ! Quand les terminaux fonctionnent.

 

L’indigence de la monétique en Algérie apparait à travers deux chiffres. Le pays compte 2.876 terminaux de paiement électronique. Parmi eux, seuls 120 ont généré des transactions en 20014, selon Moaatassim Boudiaf, directeur de l’organisme de régulation de la monétique. Cela ne représente même pas ce qu’on retrouve dans une ruelle commerçante d’un pays développé.

La situation est aggravée par la méthode employée par les responsables du secteur pour remédier à la situation. Alors que le nouveau ministre des finances, Abderrahmane Benkhalfa, affiche d’ambitieux projets dans le domaine, largement décalés par rapport à la réalité du terrain et à la capacité du secteur, les acteurs impliqués en sont encore à un discours primaire.

M. Moatassim Boudiaf en est encore à parler d’« identifier les carences  et mette en place une feuille de route » pour encourager la généralisation des transactions électroniques. Il rappelle que  « la vente en ligne n’est pas réglementée ». Ce qui ne l’empêche pas de déclarer que l’objectif n’est pas d’atteindre le niveau des « pays voisins », mais celui des pays développés. Il faut « cibler des objectifs assez forts », dit-il, pour être en phase avec le discours du nouveau ministre. Voilà donc un secteur incapable de décoller, mais qui vise directement à jouer en Champion’s League !

Les cartes servent essentiellement au retrait

En s’appuyant sur le million d’Algériens détenteurs de cartes magnétiques, M. Boudiaf affirme que le paiement en ligne commencera fin juin. L’opération sera limitée dans un premier temps à certaines grandes entreprises, comme les compagnies de téléphonie mobile, Air Algérie et Algérie Telecom, des offices (OPGI, ADL), et des administrations. Pourquoi ne pas ouvrir cette possibilité à tous les commerçants, alors que des terminaux avaient déjà commencé à fonctionner dans les années 1990 chez certains commerces de proximité ? Cela dépasse M. Boudiaf, qui insiste pourtant sur le « paiement de proximité ».

Pour l’heure, il s’agit, selon lui, de « généraliser l’usage de carte de paiement ». Actuellement, elle sert essentiellement au retrait. Il faut que l’utilisation soit élargie aux « transactions », dit-il, mais il en écarte pour le moment le million de petits commerces.

D’autre part, les défaillances actuelles dans l’utilisation des cartes de paiement constituent des freins difficiles à surmonter. Mercredi 27 mai au soir, un test mené par Maghreb Emergent a montré qu’il a été impossible de retirer de l’argent dans les six premiers distributeurs automatiques visités entre El-Biar, Hydra et Le Golf. A l’intérieur du pays, la situation est beaucoup plus grave : sur neuf distributeurs visités en avril 2015 dans une ville de l’intérieur, huit n’étaient pas opérationnels.

Payer les services, pas encore les produits

Cela n’empêche pas M. Boudiaf d’affirmer que le paiement par internet sera bientôt lancé. Il fixe l’échéance de fin juin. Est-ce possible alors que le terrain n’est pas encore complètement balisé ? De l’aveu de M. Boudiaf, des aspects réglementaires concernant La vente en ligne ne sont pas encore au point. Il reste encore à adopter des textes réglementaires sur le mode de paiement, et un « volet normatif » à élaborer, dit-il. «La vente en ligne n’est pas réglementée », ce qui contraint à se limiter « au paiement de services, pas des produits ». C’est donc tout un pan du e-paiement qui est de facto exclu de l’opération.

Cette démarche visant à saucissonner l’activité montre l’indigence de la démarche suivie. Elle est confirmée par une déclaration de M. Boudiaf. Alors qu’il s’agit d’équiper le pays de dizaines de milliers de terminaux, le responsable de l’organisme de régulation préfère parler de récupération des quelques centaines de terminaux non opérationnels.

A ce rythme, « instaurer la confiance chez le porteur de carte et chez le commerçant », objectif affiché par les responsables du secteur, semble impossible à atteindre.

Opération complexe

Tout ceci n’est cependant pas encore acquis. D’autant plus qu’une intervention de plusieurs acteurs est nécessaire. Cela va du gouvernement aux banques, en passant par la Banque d’Algérie, qui doit autoriser et organiser le paiement par internet. Tout le volet sécurité doit parallèlement être mis en place. Une partie des cartes en circulation doit aussi être changée, pour être adaptée aux nouvelles normes qui seront mises en place, selon un banquier.

Dans le même temps, il faudra que les partenaires jouent le jeu. Le PDG de Sonelgaz, M. Noureddine Bouterfa a ainsi déclaré, il y a deux mois, que son entreprise était prête à recevoir le paiement en ligne. Cela a fait sourire certains banquiers, qui ont vu dans cette déclaration « un simple coup de com  sur le dos des banques ».

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