La première édition du Salon professionnel de la formation et des métiers modernes, FormaTech Expo, qui se déroule sur quatre jours au Palais des Expositions de la SAFEX à Alger, se veut plus qu’une vitrine. Elle met à nu les ambitions et… les limites du projet numérique algérien, au cœur de la stratégie voulue par le président Abdelmadjid Tebboune.
Accompagné des ministres Nacima Arhab (Formation professionnelle) et Noureddine Ouadah (Économie de la connaissance), le lancement du Salon a marqué le pas pour un événement dont l’objectif est de relier l’apprentissage à la transformation numérique, à l’intelligence artificielle (IA) et à l’innovation. L’ambition est de faire émerger une génération de compétences capables d’accompagner la modernisation du pays.
En parcourant les allées de ce salon, soutenu par des acteurs majeurs comme Yassir et Algérie Télécom, on découvre des initiatives prometteuses. Plus d’une centaine d’exposants nationaux et internationaux y présentent une offre de formation souvent inédite en Algérie, tournée vers les métiers d’avenir. Pourtant, entre la volonté politique affichée et la réalité du terrain, un contraste net se dessine.
Le président Tebboune ne cesse de le répéter : « La numérisation doit être finalisée d’ici à la fin de l’année, sinon je prendrai des mesures radicales». Il a dénoncé ceux qui freinent ce processus, les qualifiant de « chauves-souris qui aiment travailler dans l’ombre ». FormaTech Expo devait être, en théorie, le lieu où se forme l’armée de cadres appelée à concrétiser cette mutation.
Un trésor de savoir-faire encore ignoré
À l’intérieur de la SAFEX, l’offre de formation est dense et pertinente pour l’économie nationale. Comme l’a expliqué le commissaire du Salon, Abdenour Drias, l’événement devait « ouvrir de nouvelles perspectives aux jeunes et aux professionnels » en leur faisant découvrir les métiers liés aux technologies émergentes.
Les conférences et ateliers interactifs ont exploré les grands défis du XXIᵉ siècle : transformation des métiers, automatisation, intelligence artificielle, cybersécurité. Des experts comme Mohamed Soumeur (Cybears) et Mohand Ouidja (avocat en data et IA) ont mis en lumière les risques et les compétences à développer pour que l’Algérie ne reste pas à la marge de cette révolution.
Un autre axe majeur portait sur l’intégration aux standards mondiaux, avec un décryptage des obstacles à surmonter pour faciliter l’accès aux normes internationales. Il s’agit en fait de permettre aux entreprises algériennes de « renforcer leur compétitivité et d’accéder à de nouveaux marchés».
Des institutions spécialisées étaient également présentes, comme l’INEM (Experts en Management), centre de recherche, de formation et de conseil agréé par l’État. Basé à Bordj El Bahri, l’institut illustre les solutions déjà disponibles pour combler le déficit de compétences dans des domaines clés : logistique, QHSE, informatique, management. Pourtant, ce savoir-faire peine encore à rencontrer son public.
Le silence inquiétant des allées
Car derrière le discours institutionnel et les stands flambant neufs, la fréquentation dit tout du décalage. Le premier jour, les organisateurs n’ont recensé qu’environ 240 visiteurs. Pour un salon censé être un levier stratégique de la numérisation nationale, ce chiffre est révélateur d’un problème plus profond : l’absence de sensibilisation et de culture numérique à grande échelle.
Le témoignage d’un étudiant en génie mécanique, présent « par pur hasard », illustre ce fossé : « Tout ce que je savais, c’est que j’étais à côté de la plaque concernant les métiers d’avenir, l’intelligence artificielle, ces formations que je devrais suivre, mais je ne sais pas où les trouver. » Il ajoute, d’un ton lucide : « Dorénavant, je dois m’y consacrer, car c’est vraiment très intéressant. »
Ce constat brut résume le paradoxe du salon : une offre riche, mais mal diffusée. Les formations existent, les structures sont là, mais la passerelle entre le discours politique et la demande réelle reste fragile.
L’appel à plus de flexibilité
Face à ce déficit de fréquentation, les professionnels ont appelé à une révision des pratiques. Ali Kemiche, responsable de la société BIG Image, plaide pour une approche plus souple : « Ces écoles doivent penser à assurer des formations en déplacement. »
Selon lui, le coût et le temps constituent souvent un frein : « Je préfère loger le formateur plutôt que de déplacer toute mon équipe. » Mais pour les entreprises, ces formations ne sont pas un luxe : « Elles sont indispensables au bon fonctionnement de l’entreprise. »
FormaTech Expo révèle une évidence : l’Algérie a les structures, les ambitions et les acteurs pour amorcer sa transition numérique. Ce qui lui manque encore, c’est la connexion entre ces forces. Tant que les compétences resteront isolées derrière les stands, la transformation numérique restera un objectif affiché plus qu’une dynamique vécue.