Sidérurgie, énergie, automobile : les secteurs lourds dominent les accords signés lors de la foire d’Alger. L’agriculture, pourtant présentée comme l’alternative au pétrole, reste invisible dans les annonces.
L’Algérie a quitté l’édition 2025 de la Foire commerciale intra-africaine (IATF) avec 11,4 milliards de dollars d’engagements, sur un total continental de 48,3 milliards. Le pays s’impose comme une destination privilégiée pour les investissements industriels lourds. Mais l’agriculture – secteur pourtant présenté par les autorités comme l’alternative aux revenus pétroliers – reste absente des grandes annonces.
L’égyptien Elsewedy Electric mène la danse avec un engagement de 2,5 milliards de dollars dans l’infrastructure énergétique algérienne. Le holding public SNS a signé huit accords pour 950 millions de dollars, tandis qu’AQS s’allie à Shelter Afrique Development Bank sur un projet sidérurgique de 1,2 milliard. S’ajoutent un contrat automobile de 11 millions de dollars et un accord de 300 millions entre INATEL et le chinois Morefun pour des terminaux de paiement destinés au Nigeria.
Ces engagements industriels représentent plus de 40 % du portefeuille algérien identifié. Cette concentration reflète la priorité accordée aux secteurs à forte intensité capitalistique qui structurent traditionnellement l’économie d’exportation du pays aux côtés des hydrocarbures.
L’absence du secteur agricole tranche avec les objectifs affichés de diversification et les défis alimentaires africains. L’agriculture pèse 23 % du PIB continental et emploie près de 60 % de la main-d’œuvre. En Algérie, le secteur contribue à 12–14 % du PIB, mais les responsables le placent régulièrement au cœur de la stratégie de réduction de la dépendance aux hydrocarbures.
Les choix d’investissement révèlent les priorités réelles
L’agriculture algérienne possède pourtant des avantages compétitifs reconnus. Le pays produit des dattes de référence mondiale, développe ses capacités d’engrais et détient un potentiel halieutique inexploité. Ces atouts pourraient servir les marchés africains en croissance, où les importations alimentaires dépassent 80 milliards de dollars par an, selon la Banque africaine de développement.
L’Algérie oriente cependant sa production agricole excédentaire vers l’Europe. La France, l’Espagne et l’Italie absorbent l’essentiel des exportations de dattes et produits transformés. En 2023, les exportations algériennes hors hydrocarbures ont atteint 5,1 milliards de dollars, mais l’agroalimentaire y occupe une place marginale.
Cette orientation contraste avec l’approche égyptienne lors de la foire du Caire en 2023. Les responsables avaient mis en avant des projets de transformation agricole aux côtés des initiatives industrielles, certains bénéficiant d’un financement d’Afreximbank pour soutenir la sécurité alimentaire et stimuler les échanges intra-africains.
Le focus industriel algérien s’accorde avec ses infrastructures d’exportation établies mais peut limiter les opportunités sous la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). L’accord commercial vise à accroître le commerce intra-africain, qui ne représente encore que 15 % du commerce continental total, contre 69 % en Europe et 59 % en Asie.
L’opportunité à 1.000 milliards boudée
L’Afrique importe une large part de ses besoins alimentaires malgré des terres arables abondantes. La BAD projette que l’agro-industrie africaine pourrait atteindre 1 000 milliards de dollars d’ici 2030, portée par la croissance démographique et l’urbanisation.
L’économie algérienne reste dépendante du pétrole, soumis aux cycles mondiaux et aux pressions liées à la transition énergétique. Sa concentration sur les secteurs industriels traditionnels à l’IATF suggère un appétit limité pour la diversification agricole. D’autres pays africains riches en matières premières connaissent la même difficulté : prisonniers de leurs secteurs historiques, ils peinent à investir dans des domaines nouveaux qui demandent capitaux, compétences et temps.
Alger sort donc de cette foire avec des contrats qui renforcent son modèle actuel : énergie et acier d’un côté, agriculture négligée de l’autre. Mais l’Afrique change. La population grandit, les villes s’étendent, les habitudes alimentaires évoluent. Les pays qui sauront nourrir ce continent de 1,4 milliard d’habitants prendront une longueur d’avance considérable.