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Importation de blé d’origine mer Noire plutôt que France : quand le « French bashing » prend le pas sur l’intérêt national

Par Kheireddine Batache 12 janvier 2021

Début janvier 2021, un cargo rempli de blé importé d’Estonie a été immobilisé sur le quai du port de Ghazaouet (Tlemcen), à la suite d’un contrôle inopiné effectué par les services de l’Office algérien interprofessionnel des Céréales (OAIC).

En cause, une cargaison de près de 30 000 tonnes de blé tendre importé d’Estonie est soupçonné d’être toxique et donc impropre à la consommation. Il s’agit du second vraquier chargé de blé tendre en provenance d’Estonie à être immobilisé en un peu plus d’un mois.

Les couacs et les fausses notes s’enchainent dans la partition jouée par l’OAIC, depuis que le gouvernement a décidé de diversifier ses sources d’approvisionnement en blé tendre et meunier, afin de « casser le monopole de la France », à la faveur d’un nouveau cahier des charges.

Au mois de novembre dernier, l’Algérie occupait toujours la première place au classement des importateurs de blé tendre à partir de l’Union Européenne, avec 1.74 millions de tonnes achetées, avec une préférence très marquée pour les produits d’origine française, selon une note d’analyse publiée par le cabinet Agritel.

Selon les douanes françaises, l’Algérie a, en effet, importé 5,6 Mt de blé en 2019-2020 et représente entre un tiers et la moitié des exportations françaises de blé vers pays tiers selon les années. L’Hexagone a fait carton plein cette année sur ses débouchés traditionnels. Non seulement elle a réalisé l’un de ses meilleurs scores sur l’Algérie, mais a également repris du poil de la bête en Égypte et en Afrique subsaharienne.

Au côté de l’Egypte, plus que jamais premier consommateur mondial de céréales, l’Algérie opte de plus en plus pour du blé d’origine « mer Noire », et se tourne vers des destinations comme la Russie, l’Estonie ou la Lituanie, au point d’inquiéter les opérateurs tricolores. Selon, Thierry de Boussac du Synacomex, le nouveau cahier des charges de l’OAIC, devait relever le seuil de grains punaisés dès septembre 2020, date à laquelle un appel d’offres a été émis par l’office d’Etat algérien, ouvrant la porte aux blés russes.

« Si les spécifications du nouveau cahier des charges ne sont pas encore formellement connues, la décision de remonter le taux de grains punaisés autorisé serait entérinée par les autorités algériennes. » Avaient concluent les spécialistes français dès septembre 2020, à l’occasion d’une conférence de presse de FranceAgriMer.

Sources : Reussir.fr

Une décision prise à l’emporte pièce ?

En effet, l’appel d’offres lancé par l’OAIC en septembre, pour 50 000 tonnes de blé, revoyait à la baisse les exigences relatives au taux de grains punaisés accepté dans les cargaisons. le niveau de tolérance inscrit dans le cahier des charges par rapport au nuisible est désormais de 0,5 % contre 0,1 % auparavant. Cette révision à la baisse a donc ouvert la porte du marché algérien aux fournisseurs de blé de la Mer noire, comme la Lituanie.

Mais à peine avait il changé son fusil d’épaule que le gouvernement algérien se retrouve face à un premier scandale sanitaire, suite aux graves révélations de l’affaire de blé avarié provenant de Lituanie. Une cargaison de 30 000 tonnes, avait valu au directeur général de l’Office algérien interprofessionnel des Céréales, Abderrahmane Bouchahda, son limogeage en novembre dernier.

Intervenant à la Radio nationale, lundi, le Directeur général du contrôle et de la répression des fraudes au ministère du Commerce (DGCRF), Mohamed Louhaidia, a révélé que des résidus de pesticides ont été découverts dans une partie de la marchandise et que l’affaire fait l’objet d’une enquête au niveau des autorités judiciaires.

En parallèle, Louadhia a indiqué qu’une batterie de mesures sera prise pour renforcer les contrôle sur les différentes marchandises suite à l’importation de blé avarié, rassurant que toutes les quantités de blé tendre importées depuis le 25 novembre dernier ont été soumis à un contrôle ferme.

De son côté, le président Abdelmadjid Tebboune, a ordonné, le 3 janvier dernier, l’ouverture d’une enquête, en instruisant le ministre des Finances de procéder à un audit au sein de l’OAIC.

Des évènements interprétés comme un « aveux d’échec » par nombre d’experts en agriculture, qui estiment que la décision de contourner le blé d’origine française manquait de maturation et n’a pas obéit qu’à des considérations économiques. Selon une source proche de l’OAIC, les donneurs d’ordres dans cette affaire se seraient alignés sur une volonté politicienne d’amplifier le phénomène du « French Bashing », qui envahit l’imaginaire collectif algérien. « Au risque de passer pour l’avocat du diable, je dirai que les responsables algériens ont confondu vitesse et précipitation dans cette affaire », a-t-elle justifié.

A l’opposé de ce raisonnement, d’autres experts estiment, au contraire, que la décision de diversifier ses fournisseurs est une décision stratégique et judicieuses, qui relève de la pure logique, car l’origine mer du Nord propose un rapport qualité/prix défiant toute concurrence française. D’autre part, Ils pointent du doigt une forme de « monopole » français sur les importations de blé, qui menace la souveraineté économique de l’Algérie, en précisant que le pays couvre habituellement entre 50 % et 80 % de ses besoins avec l’origine France.

Le blé français talonné par l’origine « mer Noire » !

Aujourd’hui, force est de constater que le marché de la mer Noire prend de plus en plus d’importance, car il présente des caractéristiques qui renforcent sa compétitivité. Selon Alexandre Boy, analyste de marché pour le cabinet de gestion en risques de prix Agritel, « Enormément de volumes se retrouvent sur le marché mondial. Il y a des explications structurelles : depuis 2012, on a de bons prix pour les producteurs, et le machinisme et les intrants sont plus accessibles. »

En outre, l’expert avance des explication d’ordre conjoncturels : « De plus en plus de blés d’hiver, plus productifs que les blés de printemps, sont semés. A l’export, les autres exportateurs souffrent. Historiquement, les Etats-Unis ont commencé à perdre des parts de marchés vers l’Egypte et le Nigeria. Ensuite, les Australiens dans les pays asiatiques puis les Français en Afrique de l’Ouest. Précédemment, les Russes étaient très présents en début de campagne (de septembre à novembre), mais l’hiver a été favorable durant les dernières années (notamment à partir de 2017, facilitant les exportations.

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