Malgré les réserves exprimées par les opérateurs économiques et une première mise en œuvre chaotique, l’Algérie a décidé de reconduire le Programme prévisionnel d’importation (PPI) pour le premier semestre 2026. Une décision qui confirme la volonté des pouvoirs publics de maintenir un contrôle strict sur le commerce extérieur, alors même qu’une partie du tissu productif réclame plus de fluidité et de prévisibilité.
Instauré en juillet 2025 par le ministère du Commerce extérieur et de la Promotion des exportations, avec effet rétroactif au 1ᵉʳ juillet, le PPI impose aux entreprises importatrices de déposer en amont un programme détaillé de leurs besoins en équipements et matières premières.
Sur le papier, l’argument est chiffré. Au premier semestre 2025, les importations ont bondi de 28,4%, atteignant 3 767 milliards de dinars, soit près de 29 milliards de dollars, creusant un déficit commercial de 711,5 milliards de dinars (environ 5,5 milliards de dollars). Des chiffres qui ont servi de justification à un durcissement des procédures.
Mais sur le terrain, l’application du PPI a rapidement montré ses limites. Blocage de marchandises dans les ports et les aéroports, ruptures d’approvisionnement en intrants industriels, retards de production… Il a fallu l’intervention directe du chef de l’État pour débloquer une situation devenue intenable, à peine un mois après l’entrée en vigueur du dispositif.
Plateforme numérique, mais même logique de contrôle
Pour autant, la mesure n’a pas été abandonnée. Elle est reconduite pour 2026, avec une nouveauté : le lancement d’une plateforme numérique dédiée à la gestion des PPI pour les matières premières, annoncée le 16 décembre 2025 par le ministre Kamel Rezig. Cette plateforme concerne les entreprises titulaires des codes d’activité 01 et 07, avec la promesse d’un traitement plus rapide et d’une meilleure fiabilité des données. Une modernisation de l’outil, pas du fond de la politique.
C’est précisément cette approche que critique Belkacem Boukherouf, expert en commerce extérieur, dans une interview accordée à Maghreb Emergent. Pour lui, le problème est structurel. “Le commerce extérieur relève normalement des entreprises. En Algérie, le ministère ne se contente pas de réguler les flux, il en fixe la cadence et le format. C’est un blocage majeur pour la dynamique économique.”
Au-delà du PPI lui-même, Boukherouf pointe une philosophie du contrôle généralisé. “La fluidité du commerce international repose sur un système déclaratif, pas sur un empilement d’autorisations. Trop de contrôle finit par décourager, faire perdre du temps et de la compétitivité”. Dans un environnement où la rapidité d’exécution et la crédibilité vis-à-vis des fournisseurs et des banques sont déterminantes, chaque retard administratif se traduit par un surcoût.
L’expert insiste également sur la notion de “time-based competition”, devenue centrale dans les échanges mondiaux. “Nos entreprises sont pénalisées par des décisions qui annihilent leur capacité de réaction. Elles peinent à honorer leurs engagements et à conserver la confiance de leurs partenaires”. Un constat d’autant plus préoccupant que les lourdeurs bancaires et douanières s’ajoutent à un dispositif réglementaire jugé illisible.





