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L’Algérie a vaincu le spectre de la soif mais le tabou du prix de l’eau persiste

Par Maghreb Émergent 1 avril 2014
Beni Haroun
Vue du barrage de Beni Haroun : 40 milliards de dollars investis dans le secteur de l’eau en dix ans

 Beni Haroun

Le prix de l’eau n’a pas bougé depuis dix ans en Algérie. Un prix « social » ou « politique ». Mais un prix si bas qu’il devient une entrave à la gestion rationnelle de la ressource.

  L’Algérie a réussi à vaincre le spectre de la soif, mais bute désormais sur un autre problème, celui de la gestion des ressources en eau. Le ministre en charge du dossier, M. Hocine Necib, a admis que le problème a changé de nature. Pour lui, il n’y a plus de difficulté dans la mobilisation de la ressource, mais le pays accuse un retard important en matière de gestion et d’organisation du service public. C’est là qu’il faut agir, pour améliorer la gestion, avec un recours plus fréquent et mieux adapté au partenariat avec des compagnies étrangères spécialisées. Le problème de l’eau potable est « réglé dans une proportion très significative », a déclaré M. Necib en marge des festivités de la journée mondiale de l’eau. Selon lui, 75% des Algériens reçoivent de l’eau potable au quotidien, 16% un jour sur deux, et 9% la reçoivent un jour sur trois ou plus. Au total, près de 45% des Algériens reçoivent de l’eau potable en H24. Il a fallu une décennie, et 40 milliards de dollars, pour arriver à ce résultat, après la grave crise de 2001-2002. Durant ces deux années terribles, les précipitations enregistrées en Algérie avaient diminué de plus de moitié, provoquant une grave sécheresse. A un point tel que les autorités algériennes avaient envisagé de ramener de l’eau de l’étranger, par bateau. Des travaux d’aménagements des terminaux à cet effet avaient été lancés au port d’Alger.

 Investissements massifs

 En 2014, la situation nettement évolué, grâce à l’aisance financière, qui a permis de lancer des investissements massifs. Les barrages algériens peuvent contenir 5.6 milliards de m3. Leur taux de remplissage atteint 82%, ce qui permet au ministre d’affirmer que même s’il n’y a pas d’apport supplémentaire, le pays dispose de réserves suffisantes pour deux ans. A cela s’ajoute l’eau du dessalement d’eau de mer, et celle récupérée à partir des eaux usées, utilisées pour l’irrigation. Dans de nombreuses villes, les eaux usées sont traitées et réutilisées parfois à 70% comme à Médéa.

Ce résultat a été obtenu grâce à 40 milliards de dollars investis depuis 15 ans. Certains grands projets vont avoir un impact considérable. Le transfert Illizi-Tamanrasset, qui permet d’acheminer 100.000 m3 par jour sur près d’un millier de kilomètres, et le système construit autour du barrage de Beni-Haroun, dans l’est, sont les plus coûteux, avec près de trois milliards de dollars chacun. Les stations de dessalement, réalisées selon des formules onéreuses, offrent une garantie pour la plupart des villes côtières. Oran, notamment, dispose d’une eau de bonne qualité, après des décennies de pénurie. De plus, la grande métropole de l’ouest consommait traditionnellement une eau dont la salinité pouvait atteindre sept gramme par litre, alors que pour l’OMS, au-delà de deux grammes par litre, l’eau est considérée comme non potable. Ces résultats permettent d’offrir à chaque algérien une dotation moyenne de 170 litres/jour. Un niveau acceptable, même s’il est encore marqué par de fortes disparités entre villes et régions.

 Les prix inchangés depuis dix ans 

« Disposer de ressources ne suffit pas. L’élément capital, c’est la capacité de gestion », estime M. Necib. L’amélioration du service public passe, selon lui, par de nouveaux investissements, avec notamment des mises à niveau des réseaux dans une quarantaine de villes. 3.000 kilomètres de réseau sont réalisés ou retapés chaque année, mais c’est un résultat insuffisant. Le ministère des ressources en eau veut passer à 5.000 kms par an, pour avoir des réseaux de bonne qualité à la fin de la décennie sur l’ensemble du territoire national. Mais la démarche gouvernementale bute sur le tabou des prix. Ceux-ci n’ont pas changé depuis dix ans. Le gouvernement ne veut pas y toucher. Du moins pas avant l’élection présidentielle. Au risque de perturber toute la politique du secteur. « Il est impossible de gérer correctement si le prix actuel de six dinars le mètre cube est maintenu », affirme un ancien haut responsable de l’Algérienne des Eaux. « Le bas niveau des prix maintient la gestion à un niveau rudimentaire», dit-il. Il ne prévoit pas pour autant un changement dans le court terme, « tant que le gouvernement place la paix sociale comme une priorité plus élevée que la rationalité économique.

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