Les exportations algériennes hors hydrocarbures vers les États-Unis sont désormais taxées à 30%. Washington a prévenu que toute riposte d’Alger entraînerait une hausse supplémentaire des droits de douane. Entre discrétion diplomatique et diversification commerciale, l’Algérie cherche sa voie.
Depuis le 9 juillet 2025, les exportations algériennes hors hydrocarbures vers les États-Unis sont frappées d’une taxe de 30%, contre 18,9% auparavant. Cette mesure, annoncée par Donald Trump dans une lettre officielle à Abdelmadjid Tebboune, place l’Algérie dans une position délicate : toute riposte tarifaire entraînera automatiquement une nouvelle hausse des droits de douane américains.
Le président américain a été clair dans sa menace. Dans sa lettre, il précise : “ À compter du 1er août 2025, nous imposerons à l’Algérie un tarif de seulement 30 % sur tous les produits algériens expédiés aux États-Unis, distinct de tous les tarifs sectoriels”. Trump ajoute que “ toute augmentation de ses tarifs par l’Algérie sera suivie par l’addition du même montant aux 30 % décidés. Ce tarif de 30 % est inférieur à ce qui est nécessaire pour résorber le déficit.” Cette logique place Alger dans une situation particulière : accepter cette taxation ou risquer un engrenage tarifaire plus lourd.
Une diplomatie algérienne en sourdine
L’Algérie semble avoir choisi la discrétion face à cette escalade commerciale. Trump justifie sa décision par ce qu’il considère comme un déséquilibre persistant : “Après des années d’analyse du commerce avec l’Algérie, les États-Unis ont décidé d’en finir avec ce déficit commercial persistant engendré par les politiques tarifaires et non tarifaires de l’Algérie et ses barrières commerciales.” Le président américain adopte néanmoins un ton mesuré : “C’est un grand honneur pour moi de vous envoyer cette lettre dans la mesure où elle démontre la force et l’engagement de notre relation commerciale et le fait que les États-Unis d’Amérique ont accepté de continuer à travailler avec l’Algérie, malgré un déficit commercial important avec votre grand pays.”
Contrairement au Maroc et à la Tunisie, qui ont communiqué ouvertement sur leurs démarches diplomatiques avec Washington, Alger n’a publié aucun calendrier, aucune feuille de route concernant d’éventuelles négociations. Les seules traces d’activité diplomatique se limitent à quelques initiatives de routine : plaidoyer de l’ambassadeur algérien à Washington pour un “partenariat économique global” et participation à des forums économiques comme le SelectUSA 2025. Ces démarches relèvent davantage de la diplomatie traditionnelle que d’une négociation ciblée sur les droits de douane.
Cette opacité contraste avec la transparence affichée par les voisins maghrébins. Le Maroc, qui bénéficie d’une taxe réduite à 10% grâce à son accord de libre-échange, avait annoncé ses discussions avec l’administration américaine. La Tunisie, taxée à 28%, avait également communiqué sur ses démarches. L’Algérie navigue à vue, sans stratégie de communication claire.
Les secteurs touchés et l’équation économique
Les produits frappés par cette hausse tarifaire incluent principalement l’acier, le fer forgé, les engrais et certains produits agricoles. Le ciment, les transformateurs électriques, l’huile d’olive ou encore les produits agroalimentaires voient leur compétitivité s’éroder sur le marché américain.
L’impact économique immédiat demeure effectivement modeste, mais les chiffres officiels nuancent le tableau. Les exportations hors hydrocarbures de l’Algérie représentent environ 2% du PIB en 2023, soit 5 à 7 milliards de dollars par an tous marchés confondus. Vers les États-Unis, cette part reste marginale face aux hydrocarbures qui constituent historiquement plus de 90% des ventes algériennes à l’étranger.
Cependant, cette relativisation masque une réalité plus complexe. Les secteurs touchés – acier, engrais, ciment, produits agroalimentaires – risquent de subir une perte de parts de marché et une baisse de revenus à l’export. Cette barrière tarifaire complique les ambitions algériennes de diversification économique, alors que le pays affiche l’objectif d’atteindre 10 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures en 2025.
Catégorie de produit | Exemples ou précisions |
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Engrais minéraux ou chimiques azotés | Urée, ammonitrate, ammoniac anhydre |
Ciments et dérivés | Clinker, ciment Portland, chaux |
Produits sidérurgiques et métallurgiques | Barres en fer ou en acier, demi-produits en fer ou acier non alliés, fils machine, ronds à béton |
Solvants naphta et produits chimiques | Solvants pétroliers, naphta, benzène, autres hydrocarbures cycliques |
Produits agricoles et agroalimentaires | Dattes (Deglet Nour), huile d’olive, tomates, fruits, légumes, produits de la pêche |
Produits industriels manufacturés | Pièces mécaniques, transformateurs, moteurs, pompes, compresseurs, pneumatiques, équipements électriques |
Produits en papier et carton | Papiers, cartons, emballages |
Autres produits divers | Engrais phosphatés, phosphates de calcium, produits textiles, vêtements, produits en plastique |
Le dilemme de la riposte et la stratégie de contournement
Face à cette situation, l’Algérie se trouve confrontée à un choix stratégique. Répondre par des mesures de rétorsion similaires risque de déclencher une escalade tarifaire avec Washington, qui a déjà prévenu qu’il augmenterait encore les taxes en cas de riposte algérienne.
L’administration Trump reproche à l’Algérie d’appliquer un taux moyen de 59% sur les importations américaines, justifiant ainsi sa politique tarifaire “réciproque”. Dans ce contexte, toute escalade pourrait rapidement dégénérer en guerre commerciale, avec des conséquences plus lourdes pour l’économie algérienne.
Le gouvernement algérien semble avoir choisi la voie du contournement plutôt que la confrontation. Plutôt que de communiquer sur une éventuelle riposte, les autorités privilégient la discrétion et intensifient leurs efforts de diversification vers l’Asie, l’Afrique et l’Europe. Cette stratégie repose sur l’ouverture de nouveaux marchés et la mise en place d’accords logistiques avec des partenaires asiatiques et africains.
Les données récentes montrent une explosion du nombre d’exportateurs algériens et une diversification des destinations, avec une forte croissance des exportations vers l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie, notamment pour des produits comme le carrelage, la céramique, les fruits et légumes, l’huile d’olive et les dattes.
Cette approche évite l’escalade médiatique mais interroge sur la capacité réelle de l’Algérie à compenser rapidement la perte de compétitivité sur le marché américain. La transformation de l’économie algérienne, visant à réduire la dépendance aux hydrocarbures, reste un défi de long terme qui ne peut se résoudre par de simples réorientations commerciales.