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Le filtre « à bandits », casse-tête de la nouvelle allocation touristique

Par Maghreb Émergent
9 février 2025

Par El Kadi Ihsane.

La dernière vanne qui circule sur les réseaux sociaux à propos du mode de délivraison aux citoyens algériens de leur nouvelle allocation touristique ? Elle ne sera pas remise dans la zone internationale au départ de l’Algérie, mais à l’arrivée au consulat algérien de la ville de destination. 

Chaque semaine qui passe depuis le début de l’année enfle le récit populaire sur les 750 euros que les voyageurs peuvent acheter au taux officiel une fois par an pour leurs déplacements hors du pays. La tentative de démocratiser – à la marge – l’accès à la rente du dinar officiel peut-elle aller jusqu’à avorter ?  Sans doute pas. L’enjeu symbolique est trop important.

Le montant de l’allocation en devises en cours ces dernière années est indécemment bas, et la mesure ne met, en réalité, pas en danger hémorragique les réserves de la banque d’Algérie. Pourquoi alors autant de tergiversations pour sa mise en œuvre ? Parce que, comme le rapporte délicieusement un de mes amis, ressource des plus fiables en économie : « chez nous, on légifère et on réglemente en tenant compte d’abord des bandits ».

Entendre donc que l’attribution de la nouvelle allocation touristique est suspendue à la découverte du meilleur mécanisme qui empêchera les fraudeurs d’émarger plusieurs fois l’année à l’accès élargi au dinar officiel ou d’en bénéficier sans réellement quitter le territoire national. Il existe donc largement la place pour lancer un concours national du meilleur filtre à « bandits » dans cette histoire d’attributions de l’allocation touristique.  

L’administration redoute d’être débordée par un effet d’aubaine. Une démultiplication incontrôlée du nombre de voyageurs par an dans le seul but de bénéficier des plus de 115 dinars que l’on gagne – au taux actuel – sur chaque euro obtenu au taux officiel versus le taux du marché noir.  

Le bénéfice de 86 250 dinars sur chaque allocation de voyage, dans une famille nombreuse peut, en effet, faire pencher les arbitrages des ménages, qui n’y pensaient pas, pour un court séjour en Tunisie chaque année par route, à condition de pouvoir mobiliser les 105 000 dinars équivalents au taux officiel en cours.

L’effet d’aubaine que peut susciter la nouvelle allocation de tourisme n’est pas calibré. Pas d’estimations quantifiées de son impact sur le comportement des ménages. La raison en est que les autorités ne veulent pas prendre la mesure des incidences de l’écart qui s’est creusé ces cinq dernières années entre le dinar officiel et le dinar parallèle.

Le choix de défendre le pouvoir d’achat en contenant l’inflation importée avec une parité du dinar soutenue face aux principales devises est un choix aux autres incidences peu évoquées. Outre le fait qu’il subventionne la compétitivité du produit importé et qu’il pénalise celui exporté – la n’est pas le propos aujourd’hui, le dinar officiel vitaminé creuse le gap avec le dinar du marché noir et pousse à la fraude massive. Lorsqu’il s’agit des importations des biens et des services, le gouvernement peut décider d’interdire ou de contingenter certaines importations, voir d’ajouter des taxes additionnelles pour en réduire l’attractivité, par ailleurs encouragé par le dinar officiel. Le problème est qu’une telle intervention  dirigiste, protectionniste n’est pas possible dans le cas d’une allocation à laquelle chaque algérien qui voyage est supposé être éligible.

L’idée a été balbutiée de taxer le premier voyage, chaque année, afin de réduire l’effet d’aubaine que va déclencher- ou pas tant que cela – les 750 euros promis. En réalité, nous serions proches avec une telle taxe – mesure contestable au demeurant – d’un taux de change spécifique à l’allocation touristique. Il se situerait quelque part à mi-chemin entre l’officiel et celui du marché parallèle. Il existait une époque, avant le premier contre-choc pétrolier de 1983-1985 ou beaucoup d’Algériens pouvaient renoncer à leur allocation touristique, les tracas pour l’obtenir auprès des banques commerciales ne justifiaient pas toujours ce que l’on pouvait en gagner. Le dinar était pourtant « outrageusement » fort. Mais le différentiel avec sa valeur sur le marché noir était encore faible.

Il faut mobiliser aujourd’hui un surplus de 83% de la contre-valeur en dinar officiel pour acheter un euro sur le marché parallèle. Celui-ci fait vivre une économie underground, sape le développement et donne le mal de tête aux bureaucrates qui ne savent plus comment distribuer la nouvelle allocation.

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