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Les dépenses militaires de l’Algérie à la recherche d’un optimum

Par Maghreb Émergent
24 mars 2025

Par El Kadi Ihsane

Ce n’est pas l’évènement de la semaine, c’est peut-être celui du 21 e siècle. Sur l’aura dans vingt ans. Ou peut-être pas. L’Allemagne va se réarmer. C’est l’histoire du siècle passé qui peut s’écrire en cette seule phrase. 

45 milliards d’euros d’autorisation de dette publique additionnelle chaque année destinées à la commande d’armes votée par le Bundestag en plus d’un fonds spécial de 500 milliards d’euros de modernisation des infrastructures, sur fond d’économie de guerre. Un bazooka budgétaire qui a été salué par les marchés et fait décoller les cotations des entreprises de la filière défense. Mais donne forcément froid au dos à l’Histoire.  

Le budget défense de l’Allemagne va, en locomotive du réarmement européen, passer de 1% du PIB à 3% en moyenne annuelle sur les cinq prochaines années. En valeur absolue, cela est tout simplement effrayant. Environ 130 milliards d’euros en budget défense annuel sur la base des 4 305 milliards de PIB de 2024. À la clé de ce tournant stratégique, un double mouvement : l’analyse de la menace Russe au-delà de l’Ukraine comme « sérieuse pour l’Allemagne » et l’obligation de ne plus compter sur le parapluie américain dans l’Otan finissante à l’ère de Trump.

Les bourses européennes ont donc réagi favorablement. Une grande partie de cette manière ira irriguer le tissu industriel du continent avec des retombées sur les activités civiles connexes. Au détriment des transferts sociaux ou de la transition énergétique ? La nouvelle coalition dirigée à nouveau par la droite (CDU) veut rassurer et veiller à ce que cela ne soit pas le cas. En attendant, la règle de Maastricht du plafonnement du déficit budgétaire à 3% du PIB dont l’Allemagne de la chancelière Merkel était la plus intransigeante gardienne, vole en éclats. Ni la crise souveraine de la zone Euro (2011-2012), ni celle du Covid (2020-2021) n’ont réussi à faire fléchir cette règle. La menace sécuritaire combinée au lâchage américain est donc jugée plus mortelle.     

Le choc du réarmement massif de l’Allemagne, pivot de celui de l’Europe, m’a donc poussé à aller regarder les pays qui dépensaient le plus pour leur défense en proportion de leur production intérieure brute. Et là, mauvaise surprise, l’Algérie figure toujours parmi les dix premiers en fonction des années. Il existe même un classement – celui de Index Mundi – qui la situe en 3 e position, en janvier 2020, avec 6% du PIB derrière Oman (8,8%) et l’Arabie saoudite (8%) et devant les Émirats arabes unis (5,7%), le Koweït (5,6%)  et Israël (5%).

La science économique n’a pas défini de ratio optimal de dépenses militaires en proportion de la richesse créée par un pays la même année. Il existe cependant la recommandation de l’OTAN pour que les dépenses de défense de ses États membres correspondent à 2% du PIB. Le PNUD, organisme chargé du développement, souligne régulièrement dans ses rapports le risque de dépenses militaires élevées, notamment pour les pays à faibles revenus. Il préconise de réorienter ces dépenses vers l’éducation, la santé et la réduction de la pauvreté.

L’Algérie se situe donc dans le peloton de tête mondial de la dépense militaire. Est-ce que ses revenus l’y autorisent ? Si l’on examine les trois graphiques ci-dessous, les dépenses d’armement augmentent plus rapidement que le revenu par tête d’habitant sur les 20 dernières années. La progression, lente et erratique, du PIB est quasi annulée par la démographie. Le PIB par habitant ( 5 500 dollars) est bloqué dans un piège de revenus intermédiaires depuis plus de dix ans. 

Le diagramme à trois lignes qui compare l’évolution du PIB (noir), celle du PIB par habitant (jaune en pointillé) et celle des dépenses militaires (bleu) sur les 20 dernières années.

Les Allemands ont évalué depuis février 2022 leur vulnérabilité stratégique et ont considéré par une majorité confortable qualifiée ( 513 votes pour 489 requis sur les 598 membres du Bundestag) qu’ils devaient reprendre en main leur protection militaire déléguée en grande partie aux États-Unis depuis près de 80 ans. Un tel débat pour évaluer les risques stratégiques pour l’Algérie n’existe pas en public. Il aiderait à optimiser les dépenses d’armement et à équilibrer le développement économique dans un scénario raisonnable de risque sécuritaire.

Le Maroc, même soutenu par Israël, se situe à moins de 3,5% de dépenses militaires en proportion d’un PIB inférieur à celui de l’Algérie. Si le débat débouche sur la nécessité de maintenir le même niveau de dépenses militaires, notamment pour leur effet endogène industrialisant, il deviendrait alors évident que les 6%, ou même 5%, de budget défense en proportion du PIB diminueront par effet de croissance rapide de ce même PIB.  

Cela nous rapprocherait, sans baisser la garde, d’un optimum que l’on devine plus bas que le ratio actuel. Un ratio de dépenses militaires inférieur est un signe de développement et de richesse. Les Etats-Unis, sont à 3,4% de leur PIB, au 20 e rang mondial en 2020. Si l’optimum des dépenses militaires est propre à chaque pays, le débat pour le rechercher est resté trop longtemps un privilège hors de portée des pays en développement.  

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