Le compte à rebours est lancé : à partir du 1er juillet 2026, les Aides personnalisées au logement (APL) seront supprimées pour les étudiants étrangers hors Union européenne et non boursiers. Une décision inscrite dans le projet de loi de finances 2026 que le gouvernement français présente comme un « recentrage » budgétaire. Mais pour des milliers de jeunes, notamment les étudiants maghrébins, cette annonce sonne comme un choc social et humain.
Une économie budgétaire au prix de la précarité
Confirmée par Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement, la mesure vise à réduire les dépenses publiques dans un contexte de dette record dépassant 3 100 milliards d’euros. Le texte prévoit un gel du montant des APL à leur niveau de 2025, soit une économie de 108 millions d’euros, mais y ajoute une suppression totale pour les étudiants extracommunautaires non boursiers.
Des milliers de jeunes verront disparaître une aide représentant 100 à 250 euros par mois, souvent décisive pour leur survie financière.
« C’est une aide vitale », rappelle Suzanne Nijdam, présidente de la Fage, qui dénonce une mesure discriminatoire : « Retirer les APL, c’est mettre à la porte une partie des étudiants étrangers. Beaucoup d’entre eux n’auront plus les moyens de rester. »
Les étudiants maghrébins, premiers touchés
Chaque année, environ 150 000 étudiants du Maghreb poursuivent leurs études en France : 33 000 Algériens, 45 000 Marocains et 20 000 Tunisiens, selon Campus France. La majorité n’a pas accès à une bourse et dépend de l’APL pour payer un loyer souvent élevé.
Depuis la réforme « Bienvenue en France » de 2019, ces étudiants paient jusqu’à quatre fois plus de frais d’inscription que les étudiants européens, tout en étant autorisés à travailler seulement 964 heures par an, soit 60 % du temps légal.
D’après l’Observatoire de la vie étudiante (OVE), 62 % d’entre eux ont déjà eu recours à l’aide alimentaire ou auraient dû le faire. Une réalité qui illustre la précarité grandissante des étudiants étrangers.
Pour Claire Rodier, juriste et militante, « ce n’est pas seulement le gel, mais la suppression pure et simple des APL qui les guette. Le gouvernement parle d’économie, mais le prix humain sera immense. »
Une fracture dans la coopération franco-maghrébine
Au-delà des chiffres, la suppression des APL est perçue comme un signal inquiétant pour la coopération universitaire entre la France et le Maghreb. Depuis des décennies, les universités françaises ont constitué un pont culturel et scientifique avec l’Afrique du Nord. En restreignant l’accès au logement, Paris risque de rompre ce lien et de détourner ces jeunes talents vers des destinations plus accueillantes comme le Canada, l’Allemagne ou la Turquie.
L’Unafo, qui gère de nombreuses résidences sociales pour jeunes, rappelle que près de 90 % des étudiants extracommunautaires hébergés dans leurs structures ne bénéficient pas de bourse. Leur retirer l’APL, c’est les pousser vers la rue ou l’hébergement d’urgence. Pour l’association, cette mesure est « injuste et contre-productive », contraire aux ambitions affichées par la France en matière d’attractivité universitaire.
Des pétitions pour dire non à une mesure jugée discriminatoire
Face à ce qu’ils considèrent comme une atteinte au droit au logement et à l’égalité des chances, syndicats et associations se mobilisent. Le Syndicat de Combat Universitaire de Montpellier (SCUM), l’Union Étudiante ainsi que l’Unafo ont lancé une pétition nationale intitulée : « Non à la suppression des APL pour les étudiantes et étudiants étrangers ! »
Ces organisations dénoncent une politique de « préférence nationale » qui risquerait d’aggraver la précarité étudiante. Elles appellent les parlementaires à retirer cette disposition du PLF 2026 et à préserver l’universalité de l’aide au logement.
Au-delà du débat budgétaire, l’affaire des APL révèle une fracture plus profonde : celle entre la France qui se veut terre d’accueil et celle qui ferme la porte à une jeunesse étrangère déjà fragilisée. Pour les étudiants maghrébins, qui voient dans la France un espace d’apprentissage et d’ouverture, cette décision est vécue comme une mise à l’écart.





