Après près d’un mois de flambées successives qui ont désarticulé le marché informel des devises, l’euro interrompt brutalement sa trajectoire haussière et amorce même un recul notable. Ce jeudi 27 novembre, le billet de 100 euros se négocie à la vente entre 28 300 et 28 500 dinars, en baisse d’environ 300 dinars par rapport à la veille. À l’achat, la correction est encore plus marquée : les cambistes reprennent le même billet entre 27 900 et 28 000 dinars, soit une chute moyenne de 400 dinars.
Cette détente soudaine contraste avec les hausses spectaculaires observées au cours des trois à quatre dernières semaines, durant lesquelles l’euro avait franchi palier après palier, alimenté par une demande frénétique et un marché privé de repères. Pour de nombreux intervenants, cette accalmie n’a rien d’un simple mouvement technique. Deux décisions politiques, l’une prise à Alger et l’autre à Pékin, ont directement pesé sur les flux de demande en devises et inversé, au moins temporairement, la dynamique des prix.
Les restrictions algériennes sur l’importation des véhicules
La première décision provient du ministère algérien du Commerce extérieur. La semaine dernière, les autorités ont annoncé l’interdiction de la vente dans les showrooms de voitures âgées de moins de trois ans, supprimant par la même occasion la possibilité pour les concessionnaires informels d’importer ces véhicules. Désormais, seuls les particuliers peuvent procéder à ce type d’importation, strictement pour un usage personnel et non à des fins commerciales.
Cette mesure cible un segment clé du marché parallèle des devises. Les importations automobiles d’occasion représentaient l’un des principaux débouchés de l’euro sur le marché noir. Des dizaines de milliers de transactions en devises alimentaient ce secteur, structuré autour d’un réseau dense de revendeurs et d’importateurs informels. En fermant ce canal, les autorités ont mécaniquement fait chuter la demande, soulignent plusieurs cambistes. “Une grande partie des acheteurs d’euro se sont retirés du marché en quelques jours seulement”, observe l’un d’eux.
Pékin ferme le robinet des exportations informelles
La seconde décision provient de Chine, principal fournisseur de véhicules neufs destinés au marché algérien via des circuits informels. À partir du 1er janvier prochain, l’État chinois exigera une licence d’exportation pour les voitures neuves ou quasi neuves vendues à l’étranger, que ce soit par les particuliers ou par les concessionnaires non agréés. Une mesure qui referme de fait l’un des rares canaux permettant aux acteurs informels algériens de s’approvisionner en véhicules neufs.
Or, les importations automobiles en provenance de Chine dépendaient presque exclusivement du marché parallèle des devises. Ni les concessionnaires informels ni les particuliers n’ont accès au financement bancaire pour acheter des véhicules à l’étranger. Chaque voiture importée exigeait ainsi le recours à des montants significatifs en euros, prélevés directement sur le marché noir. En restreignant les capacités d’exportation, Pékin réduit mécaniquement l’activité de ces importateurs — et donc leur besoin en devises.
Une demande en euro brutalement contractée
La combinaison de ces deux décisions a provoqué un véritable choc de demande. Du jour au lendemain, les catégories les plus consommatrices de devises — importateurs de véhicules neufs et d’occasion — ont vu leurs activités gelées ou fortement contraintes. “Le chamboulement des importations automobiles a eu un effet majeur sur la demande en euro”, confirme un cambiste. Selon lui, le marché était déjà fragilisé par plusieurs semaines de spéculations et d’anticipations de pénuries. Il suffisait d’un signal politique pour provoquer une correction.
Cette baisse pourrait ne pas être un simple épisode passager. Plusieurs intervenants anticipent une poursuite de la détente dans les prochains jours, tant que les nouvelles règles ne seront pas clarifiées ou contournées par les acteurs du marché. “Si la demande reste aussi faible, l’euro peut reculer davantage”, estime notre contact. Reste à savoir si cette baisse s’installe durablement ou si elle sera effacée par une nouvelle vague spéculative dans un marché où les fondamentaux restent instables et largement tributaires de décisions administratives.





