L’inscription de l’Algérie sur la liste européenne des pays à haut risque de blanchiment d’argent en juin 2025 a déclenché une vague de réformes législatives. Parmi les mesures adoptées par le gouvernement figure un projet de loi renforçant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, approuvé hier par le Conseil des ministres sous la présidence d’Abdelmadjid Tebboune.
Cette nouvelle réglementation suscite des interrogations légitimes chez les détenteurs de comptes devises. Leurs avoirs sont-ils menacés ? La réponse est nuancée : si aucune confiscation n’est prévue, les conditions d’utilisation de ces comptes évoluent considérablement.
En effet, la Commission européenne et le Groupe d’action financière (GAFI) ont pointé des lacunes stratégiques dans le dispositif national algérien de lutte contre le blanchiment d’argent. Conséquence directe : cette évaluation contraint désormais les institutions financières européennes à appliquer des mesures de vigilance renforcées pour toute transaction impliquant des entités algériennes.
Face à cette pression internationale, Alger a accéléré l’adoption de réformes pour sortir de cette liste et de la “liste grise” du GAFI. Le plan d’action national 2024-2026 prévoit ainsi le renforcement du cadre législatif, la montée en compétence des institutions et une coopération internationale accrue.
Un contrôle renforcé sans suppression des comptes
La nouvelle législation ne supprime pas les comptes devises ni ne prévoit leur confiscation systématique. Les particuliers et entreprises respectant la réglementation conservent l’accès à ces comptes. Toutefois, les modalités de fonctionnement changent radicalement.
Désormais, les opérations sur comptes devises font l’objet d’une surveillance stricte. Les banques doivent signaler toute transaction suspecte ou inhabituelle aux autorités compétentes. Cette vigilance accrue s’applique particulièrement aux mouvements importants ou répétés.
Par ailleurs, les détenteurs devront justifier l’origine licite des fonds déposés ou transférés. Cette obligation de transparence concerne aussi bien les dépôts que les virements, notamment en cas de montants élevés. De même, les exportations de devises sont soumises à des seuils annuels plus stricts. Tout dépassement nécessite une justification par des documents bancaires officiels.
Des sanctions renforcées
Le nouveau cadre réglementaire introduit également des sanctions plus sévères. Les infractions liées à la non-déclaration, à la fraude ou au blanchiment via les comptes devises seront plus durement punies. Parallèlement, les établissements financiers algériens sont soumis à des obligations de vigilance renforcées. Ils doivent justifier l’origine des fonds et assurer la bancarisation obligatoire de certaines transactions, notamment immobilières.
Ces mesures visent à répondre aux exigences européennes et internationales. Les autorités algériennes espèrent ainsi retrouver la confiance des partenaires internationaux et faciliter les échanges commerciaux avec l’Union européenne.
Impact concret sur les détenteurs
Pour les détenteurs de comptes devises conformes à la réglementation, les changements restent gérables. Ils devront simplement s’adapter aux nouvelles procédures de justification et de traçabilité. En revanche, ceux qui ne peuvent pas prouver l’origine de leurs fonds s’exposent à des risques importants : blocages de compte, enquêtes approfondies, voire poursuites judiciaires.
Cette réforme s’accompagne d’une mise en conformité stricte des professions réglementées comme les notaires et agents immobiliers. L’objectif est de moderniser le cadre juridique et institutionnel du système financier algérien tout en luttant efficacement contre les flux illicites.
Les autorités algériennes dénoncent parfois le caractère politique de ce classement international, mais reconnaissent la nécessité d’adapter leur législation aux standards européens. Cette stratégie de conformité et de réhabilitation internationale vise à retirer l’Algérie de la liste européenne des pays à haut risque à moyen terme.