Des rumeurs relayées sur les réseaux sociaux évoquent un rapatriement express des adolescents algériens arrivés à Ibiza après avoir traversé la Méditerranée sur un bateau volé. La réalité est plus complexe : en Espagne, la loi protège les mineurs, et seul un juge peut décider d’un éventuel retour.
Une protection inscrite dans la loi
L’arrivée des sept mineurs algériens à Ibiza, après une traversée de 300 km, intervient alors que les débats sur la répartition des mineurs migrants entre communautés autonomes sont vifs en Espagne. Mais les spéculations sur un retour rapide occultent un principe fondamental : tout mineur étranger non accompagné est considéré par la loi espagnole comme un enfant en situation de vulnérabilité, non comme un migrant irrégulier.
Dès leur arrivée, les adolescents ont donc été logiquement pris en charge par les autorités locales et transférés dans un centre de protection de l’enfance. La loi organique 1/1996, du 15 janvier, oblige l’État à garantir accueil, hébergement, soins et éducation à tout mineur, quelle que soit sa nationalité. Cette obligation est renforcée par la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, qui impose que « l’intérêt supérieur de l’enfant » prime dans toutes les décisions (article 3).
La justice, passage obligé
En clair, aucun mineur ne peut être renvoyé sur simple décision administrative ou diplomatique. Toute mesure doit passer par la justice. En Espagne, c’est l’Audiencia Nacional – le tribunal compétent en matière d’extradition – qui examine toute demande de remise d’un individu à un État tiers. La procédure exige, une demande formelle du pays d’origine, une évaluation des garanties offertes par ce pays, et le respect du principe de non-refoulement, qui interdit tout renvoi vers un pays où l’enfant risquerait des traitements inhumains ou une atteinte à ses droits fondamentaux.
Des ados sous protection de l’État espagnol
Les sept mineurs sont désormais sous la protection des institutions espagnoles. Leur avenir dépendra d’une évaluation individuelle : âge, besoins, volonté de rester ou non. Un éventuel retour en Algérie ne pourrait être envisagé que sur décision judiciaire, et non à travers un accord politique ou administratif.
La situation se complique aussi par le contexte diplomatique. Depuis la crise entre Madrid et Alger en 2022, la coopération migratoire connaît des blocages. Selon la presse espagnole, l’Algérie freine régulièrement l’émission de laissez-passer consulaires, ce qui empêche d’exécuter de nombreuses expulsions. En 2024 encore, le parquet espagnol a signalé ces entraves comme un obstacle majeur, malgré la hausse des décisions d’éloignement. Si les relations bilatérales se sont apaisées fin 2024 avec la reprise des échanges économiques et politiques, les rapatriements effectifs restent limités.
Vives tensions en Espagne
Enfin, l’arrivée de ces jeunes survient dans un contexte tendu. Depuis mars 2025, une réforme de la loi sur l’immigration impose aux régions autonomes de participer à l’accueil des mineurs non accompagnés, afin de soulager les zones saturées comme les Canaries ou les Baléares. La répartition obligatoire, calculée selon des critères démographiques et économiques, suscite une forte résistance : plusieurs régions refusent d’appliquer la réforme, malgré les financements proposés par Madrid. Le ministre de la Politique territoriale, Ángel Víctor Torres, l’a rappelé : « La protection de l’enfance ne relève pas d’un choix politique, mais d’un devoir moral et légal. »