Avec 12,2 milliards de barils de réserves prouvées, l’Algérie reste le troisième pays africain derrière la Libye (48,3 milliards) et le Nigeria (36,9 milliards), selon Business Insider Africa (2025). Mais les réserves ne font pas tout : la production réelle tourne autour de 1 million de barils par jour, contre près de 1,2 million pour la Libye malgré le chaos, et plus de 1,5 million pour le Nigeria. Autrement dit, Alger est déjà à la traîne.
Pour se rassurer, le pouvoir met en avant ses accords avec l’Italie. Depuis 2022, Rome a doublé ses importations de gaz algérien. ENI a signé plusieurs protocoles, portant la fourniture à près de 25 milliards de m³ en 2024, consolidant l’Algérie comme premier fournisseur de l’Italie. Ces contrats garantissent des devises mais enferment le pays dans un rôle de pompiste méditerranéen : beaucoup de volumes, peu de valeur ajoutée, car l’essentiel part sous forme brute.
Autre carte brandie : les majors américaines. En 2023, Chevron a signé un accord de prospection gazière dans le bassin de l’Ahnet et sur des blocs offshore en Méditerranée. En 2024, ExxonMobil a suivi, avec un contrat ciblant des réserves non conventionnelles et du gaz de schiste potentiel. Symboliquement, c’est un tournant : Washington revient dans le jeu énergétique algérien. Les deux géants mènent des négociations avancées avec l’Algérie pour intensifier l’exploration et la production, dans le cadre d’une stratégie ambitieuse, qui inclut également des projets sur le gaz de schiste.
Le jour où la Libye se stabilise, Alger décroche
En effet, il y a le tabou du schiste. L’Algérie dispose de la 3ᵉ réserve mondiale de gaz de schiste techniquement exploitable (environ 707 Tcf, soit 20.000 milliards de m³), mais n’a jamais osé lancer de programme massif, par peur des contestations sociales et faute de technologie. La vraie question est donc la compétitivité : si demain la Libye stabilise ses institutions et propose des conditions fiscales plus souples, pourquoi une major viendrait s’enliser dans la bureaucratie algérienne ? Pour l’instant, l’insécurité libyenne masque le décalage. Mais le jour où ce masque tombe, Alger risque d’être largement contournée.
Ces accords avec l’Italie et les Américains offrent donc un répit, pas une stratégie. Ils achètent du temps, mais ne réparent ni les failles structurelles ni le retard technologique. L’Algérie reste handicapée par une fiscalité pétrolière jugée lourde, des délais d’autorisation interminables et des infrastructures vieillissantes.
En 2025, l’Algérie demeure un acteur clé du pétrole africain. Mais elle se comporte comme un rentier qui croit que ses barils suffisent. Dans une région où tout bouge – Libye instable mais courtisée, Nigeria en consolidation, transition énergétique mondiale qui s’accélère – la vraie bataille n’est plus de savoir combien on a sous terre, mais à quel prix et dans quelles conditions on peut encore convaincre les investisseurs de miser sur Alger plutôt que sur ses voisins.