Avec un Brent coincé entre 60 et 65 dollars, la baisse des prix du pétrole intervient à un moment délicat pour l’Algérie. Le recul du marché, nourri par l’excès d’offre et les incertitudes géopolitiques, réduit la marge de sécurité qui soutient les équilibres de la loi de Finances 2026.
Vendredi soir, le Brent a terminé à 62,56 dollars, en baisse de 1,3 %. Le WTI américain a fait pire encore, perdant 1,6 % pour s’établir à 58,06 dollars. Sur la semaine, c’est près de 3 % d’évaporé. Rien de catastrophique en apparence, mais le signal est là : le marché pétrolier s’installe dans une zone d’inconfort. Et pour l’Algérie, ça mérite qu’on s’y attarde.
Le problème n’est pas tant cette baisse hebdomadaire que la tendance de fond. Depuis janvier, le Brent a perdu 15 %. Quinze. Et ce n’est pas près de s’arrêter. L’offre mondiale continue d’augmenter, portée notamment par les producteurs hors OPEP+ qui devraient ajouter près d’un million de barils par jour en 2025. Et le résultat c’est que les stocks de l’OCDE ont atteint 2,8 milliards de barils en octobre, et la demande des économies avancées est prévue à la baisse. Autrement dit, on nage en plein déséquilibre structurel.
Pour l’OPEP+, dont l’Algérie fait partie, c’est la double peine. Les efforts de discipline- coupes volontaires, quotas serrés-sont littéralement dilués dans un océan d’offre excédentaire. L’Algérie, qui a récemment vu son quota ajusté à la hausse, produit autour de 956 000 barils par jour en octobre, en adéquation avec son quota actualisé. Néanmoins, dans le contexte d’un marché excédentaire et d’une production mondiale en hausse, cet effort ne suffit pas à influer sur l’équilibre global. Le marché s’en fiche.
Les rumeurs ukrainiennes qui font trembler le marché
Cette semaine, la volatilité est revenue au galop. Mercredi, le baril avait tenté un rebond technique au-dessus des 64 dollars. Mais jeudi, tout s’est effondré sur une simple rumeur : Washington ferait pression sur Kiev pour un accord de paix qui pourrait ramener du brut russe sur le marché. L’information n’est même pas confirmée- les analystes d’ING la jugent d’ailleurs peu crédible- mais elle a suffi à affoler les traders. Le marché est dans un tel état de nervosité qu’il suffit désormais d’un article de presse pour faire dévisser les cours.
Ajoutez à cela les chiffres américains contradictoires : l’Agence de l’énergie annonce une baisse des stocks de brut, mais une hausse inattendue des réserves d’essence, signe que la demande intérieure faiblit. Bref, personne ne sait vraiment où on va.
L’équation budgétaire algérienne sur le fil
Et Alger dans tout ça ? Techniquement, on reste dans les clous. Le projet de loi de finances 2026, tout juste voté par le Parlement, table sur un prix de référence de 60 dollars. À 62-63 dollars, la marge existe encore. Mais elle devient étroite. Terriblement étroite.
Le vrai souci, c’est que cette fourchette entre 60 et 65 dollars est devenue la nouvelle normalité. Finis les jours où le baril flirtait avec les 80 ou 90 dollars, offrant au Trésor public des marges confortables. Aujourd’hui, chaque dollar compte. Et dans un marché structurellement surapprovisionné, où les stocks restent élevés et la demande molle, rien ne garantit que cette fourchette tiendra.
Les projets stratégiques- infrastructures, diversification économique, investissements publics- nécessitent un financement stable. Or, avec des recettes pétrolières sous pression, l’équation budgétaire devient un exercice d’équilibriste. Le moindre dérapage des cours, la moindre mauvaise surprise géopolitique, et c’est tout l’édifice qui vacille.
L’Algérie se retrouve donc dans une position délicate. Elle est dépendante d’un marché qu’elle ne contrôle pas, exposée à des chocs qu’elle peine à anticiper, et avec moins de marge de manœuvre qu’auparavant pour absorber les turbulences. La fameuse marge de sécurité budgétaire existe encore, certes, mais elle s’est considérablement réduite.





